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Faut-il supprimer la bourse au mérite ?

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Attribuer une bourse aux étudiants ayant obtenu les meilleurs résultats : l’idée semble à première vue attrayante. Créée par le Gouvernement Jospin à la fin des années 1990, la bourse au mérite fait pourtant l’objet d’un vif rejet de la gauche aujourd’hui, qui a confirmé sa suppression dans une circulaire de juillet 2014, suscitant de vives réactions à droite et aboutissant à la censure récente de la circulaire par le Conseil d’État.

La bourse au mérite, illusion de la méritocratie républicaine.

11/07/2014 - 18:00
La question de la suppression de cette bourse « mérite » d’être posée. Plus qu’une aide financière, elle définit une conception idéologique de la méritocratie et de sa place au-sein de l’école républicaine.

En récompensant par une aide financière les élèves ayant les meilleurs résultats, l’État fait un croche-pied au principe d’égalité, pourtant cher aux écoles républicaines. Dès lors, les étudiants ne se trouvent plus dans une situation d’égalité pure et parfaite. On me répliquera sûrement, et à juste titre, que cette situation d’égalité n’existe pas, du fait des inégalités sociales inhérentes aux sociétés capitalistes, où les inégalités se creusent d’années en années. Pour autant, la question à se poser est de savoir s’il est du rôle de l’État d’accentuer des inégalités matérielles déjà si grandes ?

Une rupture au principe d’égalité

La bourse au mérite défendue au nom du principe de méritocratie rappelle le développement récent de « classes élites » au sein des établissements publics, qui consiste à homogénéiser le niveau d’une classe pour tirer ses élèves vers le haut, et ce au dépend des autres classes de l’établissement. Des pratiques qui se développent au sein des établissements publics et qui sont autant de freins au principe de l'égalité scolaire.

Un choix idéologique discutable

En choisissant d’attribuer des bourses aux seuls titulaires d’un baccalauréat mention très bien, les partisans de la « bourse au mérite » défendent un choix idéologique discutable : celui des résultats scolaires comme seul critère d’attribution de la bourse au mérite. Aussi, les partisans de la bourse au mérite s’engouffrent dans un « moule de l’excellence », dans lequel il n’y a de mérite possible que par de bons résultats scolaires. Un constat sévère au regard d’autres talents existants et peu mis en valeur par le système scolaire comme les travaux manuels ou artistiques, les compétences informatiques.

8 000 bourses pour 76 000 candidats potentiels

C’est ici que se trouve le problème central de la mesure de bourse au mérite : toutes les enquêtes statistiques montrent que le pourcentage d’une génération à disposer du baccalauréat augmente d’année en année. Et avec le pourcentage de diplômés, le nombre de mentions augmente considérablement. Sauf que le nombre de bourses attribuées par l’État demeure quant à lui contingenté à 8 000 attributions par an, un nombre bien inférieur aux 76 000 candidats disposant d’une mention très bien lors de la session 2013 du baccalauréat. Cette disproportion conduit à une inégalité entre des étudiants aux résultats similaires, où l’attribution repose sur une analyse approfondie des critères sociaux et conditionne l’obtention de la bourse au mérite à des obligations de résultats extrêmement élevées, qui ajoute une lourde pression sur les épaules des étudiants. Le principe de méritocratie est ainsi considérablement limité et favorise l’émulsion d’une concurrence malsaine pour l’obtention de cette bourse entre cette les étudiants.

L’argent n’est pas la finalité du système éducatif

On a tous déjà entendu le fameux credo « travailler à l’école, c’était travailler pour soi ». Et après tout, c’est vrai. L’élève qui travaille n’est-il pas déjà récompensé par ses résultats scolaires qui lui permettent d’accéder aux classes supérieures et à un choix plus large lorsque vient le moment de son orientation ? Nous subissons de plein fouet les inégalités de revenus au sein de la société. Doivent-elles être reproduites dans le système éducatif au nom de la méritocratie ? Les introduire dès l’école, c’est cautionner un système inégalitaire et pervers que l’on institutionnalise dans l’éducation. Plutôt malsain donc. D’autant que le revenu n’est pas nécessairement un élément proportionnel au capital culturel des individus, élément clé de la réussite scolaire selon les études de Passeron et Bourdieu. Ce qui veut dire que les familles aux plus hauts revenus ne disposent pas nécessairement du capital culturel le plus élevé et ne sont pas nécessairement les plus aptes à réussir au-sein du système éducatif.

Oui aux bourses scolaires, non aux bourses au mérite

Si les inégalités sociales existent et doivent être combattues, la qualité des résultats scolaires ne doit pas conditionner le montant d’une bourse attribuée par l’enseignement supérieur. La suppression d’une telle bourse au profit d’une plus grande redistribution sociale semble être une mesure plus juste, qui concernera un nombre plus important de ménage. L’école républicaine permet la méritocratie, et tire les élèves ayant de meilleurs résultats vers le haut. Pour autant, la méritocratie ne doit pas être monnayée. Il en va de l’équilibre moral de notre système éducatif.

This article deliberately presents only one of the many existing points of views of this contorversial subject. Its content is not necessarily representative of its author's personal opinion. Please have a look at Duel Amical's philosophy.

Non, ne bradons pas l'excellence républicaine !

11/07/2014 - 18:00
Elle est jugée trop coûteuse, inefficace ou encore élitiste... La bourse au mérite en tant qu'emblème de la méritocratie est cependant l'un des ciments du consensus républicain. Faute à la crise, son imminente suppression prévue par le gouvernement socialiste risquerait du même coup de saper les bases du modèle scolaire français.

La bourse au mérite est un dispositif qui permet, depuis 1998, aux bacheliers de milieux sociaux défavorisés ayant obtenu la mention très bien de bénéficier d'un pécule de 1800 euros par an en plus de leur bourse sur critères sociaux. Une mesure qui s'inscrit dans une longue tradition républicaine de la promotion sociale par l'effort.

Socialistes, rappelez-vous : le mérite est aussi une valeur de gauche

Le mérite s'impose comme moteur de la promotion sociale à partir de la IIIème république. Tous les pères fondateurs, de droite comme de gauche, s'accordent autour d'une vision commune de l'école de la république : certes elle est unique, gratuite et obligatoire, mais on l'oublie souvent, elle ne facilite l'accès au secondaire et au supérieur que selon les « aptitudes individuelles » des étudiants. Les qualités intellectuelles et la volonté de réussir deviennent facteurs d'ascension sociale, et l'élitisme républicain, en aidant financièrement les meilleurs élèves des classes populaires, permet de rebattre les cartes sociales de l'élite française.

Une dangereuse remise en cause des fondements du modèle éducatif français

La politique socialiste égalitariste rompt donc avec les préceptes fondateurs d'une « république des bons élèves » en sacrifiant la politique de l'excellence républicaine au profit d'une augmentation du nombre de boursiers sur critères sociaux au niveau national. Sans une politique volontariste de redistribution sociale dynamique des élites en France, c'est la porte ouverte à une ghettoïsation croissante de ses classes dirigeantes. Cette politique aura de plus une autre conséquence sur le rôle structurant des diplômes dans la société française : en anonçant clairement qu'il n'est plus méritoire d'obtenir une mention au baccalauréat, c'est le diplôme lui-même qui est complétement dévalorisé. En perte de légitimité croissante depuis quinze ans et avec 70% d'une classe d'âge qui l'obtient, le baccalauréat n'est déjà plus un instrument objectif de sélection à l'entrée dans le supérieur.

Démocratisation ne rime pas avec massification de l'enseignement supérieur

Cette mesure est surtout l'illustration flagrante d'un manque de politiques cohérentes en réponse à la crise qui frappe le système scolaire français. Les socialistes se fourvoient dans l'illusion d'une démocratisation de l'enseignement supérieur qui ne passerait que par l'abaissement maximal des critères de sélection à l'entrée des universités pour que la grande majorité y accède. Démocratisation n'est pas massification de l'enseignement supérieur : la raison en est qu'au lieu de créer une égalité de fait des individus devant la formation universitaire, la massification du supérieur ne fait que recréer ces injustices derrière d'incidieuses apparences. La dichotomie française entre système des Ecoles et facultés en est d'ailleurs bien la preuve.

L'argument économique ne tient pas

Finalement, avec un budget d'environ 50 millions par an, soit moins de 3% du budget total de financement des bourses estudiantines pour l'année 2012, il apparaît clairement que la suppression de la bourse au mérite est plus une mesure d'ordre idéologique qu'économique. Alors que la ministre de l'éducation française Vallaud-Belkacem justifie cette mesure par un manque d'« efficacité », il serait sans doute possible de se demander en quoi la dilution d'un si maigre budget dans le pot commun d'étudiants dont on est bien moins sûrs de la réussite scolaire puisse rendre l'argent public plus « efficace ». En attendant, la situation d'« urgence économique » créée par la suppression de la bourse au mérite pour ses bénéficiaires est, elle bien réelle, comme l'a souligné le Conseil d'Etat le 17 octobre dernier en suspendant provisoirement son application.

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