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Publier la photo d'Aylan Kurdi, un bon choix?

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Le 3 septembre 2015, la publication de la photographie d’Aylan Kurdi, petit garçon syrien qui s’est noyé en tentant de rejoindre l’Europe a réveillé les consciences européennes assoupies. Si les réactions politiques et civiles ont été nombreuses, il faut se demander; la publication de cette image était-elle légitime?

Le reflet de notre échec

10/27/2015 - 12:00
Si publier la photographie de cet enfant fût un choix difficile, il est certain qu'il ne fut pas le plus approprié dans cette période de crise migratoire qui questionne les fondements de l'Union Européenne.

La publication de la photographie d’Aylan Kurdi nous a offert une vision crue et sans fards du voyeurisme de nos sociétés et de notre incapacité à prendre en main un problème rationnellement. Publier cette image n’allait pas seulement à l’encontre de l’éthique. Cela a également accentué les clivages et divisions sans apporter de solutions concrètes.

Une image n’a jamais arrêté une guerre. Face au mur de l’indifférence européenne, la photo d’Aylan n’a pas permis de sortir de la crise migratoire ni même de trouver de véritable solution politique commune et durable à l’échelle européenne, en témoigne le nombre de réfugiés répartis jusque là (seulement 954 selon la Commission Européenne).

La dignité humaine, limite du droit à l’information

Alors que le monde n’a pas pu éviter la noyade de cet enfant en fuite, il aurait pu s’abstenir d’exposer sa dépouille aux yeux de milliers de personnes qui jusque là avaient choisi de les fermer. La mort et le deuil sont des moments intimes dont Aylan et sa famille ont été privé de par la diffusion massive de ce triste tableau. C’est pour cette raison, pour la dignité et la mémoire du petit syrien que certains médias comme le quotidien La Croix ou encore le HuffPost (dans sa version française) ont choisi de ne pas publier cette image. En diffusant la photographie, les médias sont une fois de plus allés trop loin dans l’exhibitionnisme en prétextant le symbolisme. La pudeur et l’éthique auraient dû triompher dans les rédactions.

Sentimentaliser un problème n’est pas une solution pour le régler

Mettre un visage, un nom, sur une crise migratoire décrite de façon mécanique, avec un flux constant de chiffres qui se répètent et ne marquent pas, tel était le but de la diffusion de cette tragique histoire individuelle. Le flot désorganisé de réactions et d’initiatives individuelles pour combler l’inaction politique était légitime. Cependant, l’émotion a fait apparaître de nouvelles logiques irrationnelles, appelant au choix à une intervention au sol en Syrie ou à une ouverture totale des frontières.

Une réflexion cohérente et réfléchie est plus que jamais nécessaire. Elle ne peut être polluée par un sentimentalisme contreproductif qui conditionne l’action politique et réduit son champ d’action en augmentant la pression des logiques électorales qui pèsent déjà beaucoup sur le jeu politique.

Le reflet d’une société individualiste et voyeuriste

En 24 heures, l’image du petit corps sans vie de cet enfant avait fait le tour du monde. Cette rapidité dans la transmission de l’information témoigne de la soif de sensationnalisme et du voyeurisme de nos sociétés, entretenue pour des raisons économiques par les médias. C’est également le reflet de notre individualisme. En effet, pour prendre conscience de l’urgence d’un problème, nous avons besoin d’une histoire tragique qui nous ramène à nous même (et si cet enfant était le notre ?). Mais alors jusqu’au faudra-t-il montrer pour voir ? Si l’opinion européenne a pu soulager sa conscience et continue à vivre après s’être émeut à la vue d’un infime fragment de la réalité de la crise migratoire. Un sondage IFOP dévoilait il y a quelques jours que 53% des Français sont toujours contre l’accueil de migrants, seulement 11% de plus qu’avant la publication.

This article deliberately presents only one of the many existing points of views of this contorversial subject. Its content is not necessarily representative of its author's personal opinion. Please have a look at Duel Amical's philosophy.

Une photo pour ouvrir les yeux

10/27/2015 - 12:13
Si la seule solution pour permettre un éveil des consciences européennes, concernant la crise des migrants, est de publier une photo mettant en scène le corps d’un enfant syrien de trois ans, échoué sur une plage en Turquie; alors cette publication est légitime.

La publication de la dépouille d’Aylan Kurdi a ému le plus grand nombre, et a suscité un écho mondial. Et pourtant, cette image a aussi choqué, certains dénonçant son caractère immoral. “Je n’ai jamais voulu publier une photo d'enfant mort. Jusqu'à hier”, a déclaré le directeur du journal italien La Stampa, Mario Calabresi. Tous les rédacteurs en chef diront que la publication de la photo du cadavre de l’enfant syrien, au t-shirt rouge, âgé de trois ans, la tête dans le sable, a été un choix éditorial difficile à faire. Et pourtant, partager ce cliché, que certains considèrent offensant, est totalement justifié. Ce qui est offensant c’est de savoir que des milliers de personnes, dont des enfants, s’échouent et perdent la vie, sans avoir une réaction à la hauteur des évènements.

La puissance de l’image

Il y a quelques mois encore, la « crise des migrants » se présentait comme une expression abstraite, dont personne ne comprenait l’enjeu majeur. Le problème en devenait un parmi tant d’autres. Des chiffres et des faits étaient diffusés en masse, sans apporter de réelle analyse en profondeur sur le sujet. Or, une photo d’un enfant, qui aurait pu être notre fils ou notre petit-fils, marque les esprits, terrorise même. Et ne pas la montrer voudrait dire refuser l’importance de cette tragédie humaine. Les médias qui ont fait le choix de ne pas montrer cette image choc peuvent se cacher autant qu’ils veulent derrière des mots comme l’éthique, la dignité humaine et la sensibilité de chacun. Pourtant, ces images sont l’indispensable catalyseur de nos mémoires individuelles. Elles nous prennent au ventre, nous arrachent à notre quotidien, pour nous forcer à nous intéresser au monde qui nous entoure. L’indifférence est l’un des plus grands maux de nos sociétés. Elle mène à de tels tragédies. Le cliché du petit Aylan est le meilleur antidote contre cette indifférence. Sans le vouloir, Aylan Kurdi est devenu l’emblème d’une situation critique.

Un outil de prise de conscience collective

Entre peur et compassion, nous devons montrer la violence du monde pour faire comprendre et réagir. L’objet de l’image n’est pas le voyeurisme ou le sentimentalisme, mais la présentation d’une dure réalité. La publication des clichés controversés a été le fruit d’une réflexion qui fait honneur à la profession de journaliste. Cette distance entre le moment de réception des photographies et celui de leur publication a été nécessaire.

L’éveil des consciences européennes et l’indignation provoquée ont produit un avant et un après Aylan. Les mentalités ont pris la voie du changement, de l’ouverture, et un formidable élan spontané de solidarité a soufflé sur l’Europe. Des dons records ont été enregistré, tandis que le peuple Allemand est devenu en quelques jours un modèle d’humanité, en accueillant à bras ouverts les meurtris de ce monde. Cette réaction du grand public a, en retour, forcé la classe politique a changer son fusil d’épaule, en prenant des mesures concrètes, comme la mise en place des fameux quotas de répartition des migrants.

La politique ne doit plus se faire dans l’ombre des conciliabules et des sombres couloirs ministériels. La volonté populaire, informé par l’image, doit avoir toute sa place dans nos démocraties.

Une photo objet de mémoire collective

Le célèbre journal francais Le Monde explique très justement sa décision de publier la photographie en se référant à la production de l’Histoire et de la mémoire collective. « Dans les livres d’histoire, le chapitre consacré à ce moment-là s’ouvrira sur une photo : celle du corps d’un petit Syrien, Aylan Kurdi, noyé, rejeté par la mer, un sinistre matin de septembre 2015». C’est une image qui restera dans l’Histoire, comme celle de la petite fille vietnamienne brûlée par le napalm ou encore celle de l’enfant les bras levés dans le ghetto de Varsovie.

Détourner le regard de cette catastrophe migratoire, qui se déroule à nos frontières, aurait été le miroir de l’inaction des européens.

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