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La justice en Slovaquie: en crise d'adolescence ou sur son lit de mort?

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De nombreux classements internationaux placent la Slovaquie par la qualité de sa justice dans le dernier quartile . Ne serait-ce qu'un stade dans le processus long et pénible de la réforme de justice? Ou un coup de couteau dans le dos fatal pour la démocratie en Slovaquie?

Un enfant malade

01/27/2013 - 22:17
Un politicien ayant des liens personnels avec la mafia à la tête de la Cour Suprême? Pas de chance pour la Slovaquie, dirait-on. Mais l'image souvent noircie de S. Harabin tend à rejeter dans l’ombre les facteurs structurels expliquant les difficultés de la justice en Slovaquie. Cette dernière est sur un long chemin, mais dans la bonne direction, malgré quelques personnages inopportuns.

Štefan Harabin et ses ébats n'améliorent pas l'image de la Slovaquie dans les classements internationaux. Cependant cette polémique ne reflète pas de nombreux facteurs structurels assurant l'Etat de droit en Slovaquie. De plus la société civile dans le pays est de plus en plus sensible à ce problème, souvent pointé du doigt. Ainsi, le retour de la justice slovaque sur le droit chemin n'est qu'une question de temps.

La justice négligée

Durant les décennies communistes, la justice a largement constitué un outil au service du Parti[i]. En 1989, les manifestants ont revendiqué la démocratie en termes d’élections libres, de la liberté de voyager, de réunification avec l'Europe. De ce point de vue, toutes leurs revendications ont été mises en place, mais personne n'a pensé à la justice indépendante et une véritable réforme de justice n'a pas eu lieu. Il s’agit d’un phénomène d'ailleurs très récurrent en Europe centrale et orientale.

L'arrivée au pouvoir de Štefan Harabin ne constitue donc pas une crise en soi, mais plutôt le reflet d’une persistance de la justice de l’Ancien Régime. Il convient de rappeler que pour pouvoir être nommé, Harabin a été élu par 15 des 17 membres du Conseil judiciaire. Et s'il y a donc un problème, c'est dans les lois qui permettent que le chef de l’Etat soit élu par les membres du Conseil Judiciaire. Appartenant à la « vieille école », ils suivent leurs propres intérêts et élisent leur « boss ».

Petits pas en apparence, mais des bonds géants pour la justice

Cependant, cette contradiction au sens de la séparation des pouvoirs n'a pas été négligée par le pouvoir exécutif. Le gouvernement précédent s'apprêtait à séparer la fonction du Chef de la Cour Suprême du poste du Chef du Conseil judiciaire, ce qui aurait prévenu le retour des dirigeants tels Harabin. Ce gouvernement n’y est cependant pas parvenu, ayant été « sacrifié pour l’Europe ».

Néanmoins, même un gouvernement d'une telle fragilité a pu faire passer une mesure clé pour la justice: l'allocation électronique des cas aux juges. Un programme informatique répartit les cas ad hoc. Cette mesure a connu un grand succès et constitue un saut décisif vers la neutralité, malgré l’opposition farouche de la part de la magistrature.

De plus, un élément souvent omis est l'appartenance de la Slovaquie à l'UE et au le Conseil de l'Europe. Les deux institutions exercent de grandes pressions pour améliorer l'état de la justice et offrent un tribunal de dernière instance assurant la sécurité juridique à tous les citoyens.

Comment résoudre le problème sans maltraiter la justice?

Cependant il convient de se demander quelle est la bonne approche pour traiter la question de l'indépendance de la justice. Lucia Žitňanská, Ministre de la Justice sortante avait opté pour une stratégie de blitzkrieg mais en exploitant les divisions dans la magistrature, elle a vite perdu ses soutiens, même parmi les juges, et a failli à sa mission. De plus, une question légitime est de savoir si initier une guerre contre tous les magistrats affiliés à Harabin et des "purges" des juges suspectés de l'être, est la meilleure manière de lutter contre les liaisons dangereuses entre la justice et la politique.

Le nouveau Ministre de la Justice est un vrai professionnel du droit sans passé politique, donc une personne parfaite pour faire des réformes courageuses, même si pénibles et il semble être sur une bonne piste: il n’est pas revenu sur les quatre propositions de procédure disciplinaire contre Harabin, soumises par son prédécesseur, mais son attitude plutôt consensuelle promet d’être bien plus efficace que les tentatives hystériques de Žitňanská.

Société civile sur les braises

Rien ne promet plus de progrès dans la justice que la société civile, particulièrement agitée par cette question. Les manifestations qui ont suivi l'interdiction de la projection d’un film de l’activiste Zuzana Piussi, incendiant le fonctionnement du système judiciaire en Slovaquie, en sont la preuve. Celles-ci étaient en même temps une campagne de publicité sans précédent et ont davantage sensibilisé l'opinion publique sur cette question.

Les liaisons dangereuses entre la justice et la politique en République Tchèque ressemblent étrangement à celles observées en Slovaquie et leurs derniers développements apportent de l'espoir pour le sort de la justice en Slovaquie. En effet, le ministre de la justice Pospíšil, a dû démissionner au moment où il allait nommer Lenka Bradačová, qui a gagné un grande renommée pour sa contribution aux investigations sur l’un des plus grands scandales de corruption des politiciens dans l'histoire de la République tchèque, Procureur général à Prague. S’en sont suivi des manifestations qui ont forcé le nouveau Ministre de la Justice à s’incliner devant la pression de l'opinion publique et à la nommer à ce poste.

Pour la Slovaquie, il est particulièrement vrai que l’amélioration de la situation de la Justice n'est pas un processus linéaire, mais plutôt une succession de chutes et de sauts. Ainsi, le pays a connu un virage à 180 degrés suite à la période autoritaire du gouvernement Mečiar dans les années 90. La Slovaquie peut être très reconnaissante qu’Harabin, d'ailleurs ancien membre du parti de Mečiar, arrive à la tête de la Cour Suprême, pour lui rappeler d'une manière aigüe ce qu'elle avait oublié en 1989. C'est une opportunité unique pour rebondir et de s’opposer à l'héritage communiste et mečiariste qui resurgit. La société civile semble prête à la saisir.

This article deliberately presents only one of the many existing points of views of this contorversial subject. Its content is not necessarily representative of its author's personal opinion. Please have a look at Duel Amical's philosophy.

L'enfant à l'agonie

01/27/2013 - 22:17
Les juges constamment menacés, les célébrités non-punies malgré des crimes graves, un très mauvais classement pour l'indépendance entre le politique et le judiciaire... La justice en Slovaquie semble plutôt être une mer d'injustice, où les droits de l'homme se sont définitivement noyés. Justice slovaque, es-tu morte ?

L'immense affaire de corruption connue sous le nom « Gorille » à peine balayée, la Slovaquie suscite de nouveau le débat. L’État de droit est remis en cause, le passage du « communisme » à la démocratie s'avère de nouveau inachevé suite à l'interdiction du documentaire dénonçant les dérives du système judiciaire slovaque. Il a été réalisé par Zuzana Piussi et celle-ci se trouve désormais menacée de deux ans de prison.

Zuzana Piussi, le symbole d'une révolution

L'interdiction du film de Zuzana Piussi ciblant l'état déplorable de la justice slovaque porte-elle atteinte à sa liberté d'expression ? « Donc, tenant compte de l'état actuel de la justice, ce qui vous est arrivé est en fait logique, non ? » demande la modérateur lors d'une interview pour la radio slovaque Express. « Oui », avoue t-elle « et je suis un symbole et je ne suis pas seule », continue-t-elle en mentionnant qu'il en va de même pour les journalistes. Il paraît qu'à chaque fois que quelqu'un ose critiquer n'importe quel aspect du système en place il perd son job ou un procès est engagé contre lui. Cela amène à se demander si l'on peut parler d'un vrai État de droit en Slovaquie, un État qui assurerait le respect des Droits de l'homme et du citoyen.

Les histoires que raconte Zuzana Piussi ressemblent presque aux séries télévisées. «En gros, vous êtes victime d'une intimidation constante» décrit Zuzana Piussi. Les juges interrogés par Zuzana Piussi témoignent d'une intimidation constante. Apparemment il suffit de prononcer son avis dans les couloirs pour se voir attribuer le statut de personna non grata.

« Mais vous avez fait un film politique ! »

Non seulement la réalisatrice est menacée par la prison, mais en plus son autre film a du mal à être diffusé. Zuzana Piussi a d'abord conclu des accords avec des entreprises privées pour faire diffuser son nouveau film « De Fico à Fico », de la fin du mandat du Premier ministre slovaque Robert Fico à son deuxième mandat. Tout à coup, ces présentateurs, qui ont déjà été payés, refusent de faire diffuser le film en proclamant « qu'elle a fait un film politique »! Certainement scandaleux, en vertu de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droit de l'homme et du citoyen, garantissant la liberté d'expression. D'ailleurs, la Slovaquie est l'un des pays censés la faire respecter et la protéger. Il semble que les artistes n'aient pas le droit de montrer ce qui se passe dans le système judiciaire en Slovaquie. Mais si les artistes ne le font pas, qui le fera ? Les études officielles ne font pas sensation au sein de la population, dont la majorité ne sait peut-être même pas que la Slovaquie se trouve au 140ème rang sur 144 pays en terme d'indépendance entre le système politique et judiciaire.

Une sortie de « communisme » inachevée

La justice slovaque est-elle effectivement trop jeune ? Oui, elle est jeune, mais surtout sa sortie de l'emprise de système soviétique est inachevée. En sortant du régime dit « communiste », l'appareil judiciaire slovaque n'a changé qu'en théorie. Les changements nécessaires n'ont pas été mis en pratique efficacement, ce qui s'est traduit par une transition inachevée d'un régime à l'autre. Les juges qui tranchaient les litiges avant 1989 continuent de rendre la justice au sein d'un nouvel appareil. L'exemple « par excellence » est Stefan Harabin, l'un des anciens « juges communistes » qui depuis des années occupent de hautes fonctions au sein du système judiciaire. D'ailleurs actuellement Stefan Harabin occupe à la fois le poste de président de Cour suprême slovaque et de Conseil judiciaire. Non seulement qu'il s'agit d'un cumul des fonctions redoutable mais il présente ainsi une sorte de symbole d'archaïsme judiciaire slovaque. De ce fait, Ernest Valko et les autres ont beau réformer la justice, elle reste tellement imprégnée de l'héritage soviétique qu'elle aurait peut-être plus besoin d'une métamorphose ovidienne que d'une simple réforme.

De plus, Stefan Harabin a réussi à sortir vainqueur des affaires qui l'opposaient aux médias slovaques, bien évidemment dans les instances résolus par des institutions slovaques. Cet ancien juge « communiste » a été indemnisé avec des sommes importantes en accusant les médias d'une « atteinte à sa réputation ». Même si le juriste Tomas Kamenec peut être sûr qu'il va sortir gagnant du procès auprès de la Cour de Strasbourg, au final ce n'est pas Monsieur Harabin qui paiera, mais la Slovaquie elle-même pour un dysfonctionnement de son système judiciaire.

La corruption, partie intégrante de la justice slovaque

La population est-elle au courant ? Quand on voit des célébrités qui commettent des crimes grave et qui deux ans plus tard ne sont toujours pas e punis, cela doit inciter à la réflexion. Affaire après affaire, les personnages connus en Slovaquie se voient miraculeusement relaxés de leurs contraventions, tout cela malgré une médiatisation massive de celles-ci. D'un autre côté, qui oserait ? Même les juges ont peur. Le cas des deux juges Juraj Majchrak et Marta Laukova, tous deux morts, paraît-il, des conséquences de pressions psychiques. La fille de Mme Laukova a directement accusé le juge qui a déposé la plainte contre sa mère d'être en partie responsable de sa mort. Le comportement « fautif » de Madame Laukova consistait à refuser de relaxer une personne suite à un ordre provenant de son chef. Par ce refus, elle a provoqué une avalanche de colère envers sa personne.

Au vu de la situation actuelle, le cas du juge Lavkova, peut-il être vu comme un sacrifice pour la justice slovaque ? Ce pays de l'Union européenne, ce pays censé garantir les Droits de l'Homme et du citoyen, ne maîtrise apparemment même pas les principes de la séparation des pouvoirs judiciaire et politique. La justice adopte un autre système en Slovaquie : la collaboration avec ceux qui ont des moyens financiers. Le résultat ? 70% de la population ne croit plus au beau rêve d'une justice « juste ». «La situation ne peut désormais pas être pire » s'est prononcé Tomas Borec, ministre de la justice slovaque.

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