L'état d'alerte

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En Espagne, pour répondre à la grève des contrôleurs aériens, le gouvernement a déclaré l’état d’alerte. Les passagers coincés dans les aéroports ont approuvé ces mesures extraordinaires. Mais selon les critiques, la décision met en danger la démocratie espagnole.

Des contrôleurs contrôlables

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25/07/2011 - 20:20
L'état d'alerte était nécessaire pour remédier au chaos que la grêve des contrôleurs aériens a causé pour l'Espagne. La mesure était nécessaire pour garantir le droit à la libre criculation des citoyens espagnols et étrangers.

La situation dans les aéroports espagnols le dimanche 5 décembre 2010 était totalement chaotique. Plus de 300.000 passagers qui partaient pour cinq jours de congés (la semaine du 6 étant fériée en Espagne) ont été bloqués dans les aéroports en raison de l'abandon massif de leurs postes de travail par les contrôleurs aériens. Cette semaine aurait pu bénéficier très largement à l’économie si cet épisode ne s’était pas produit.

Dans ce contexte de grève, le gouvernement espagnol a décrété l’état d’alerte, demandant au ministère de la Défense de prendre la direction du contrôle aérien.

Organiser la circulation des aéronefs, pas la vie des citoyens

Le premier rôle du contrôleur aérien est d’organiser la circulation des aéronefs dans le ciel et dans les aéroports, et d’assurer la sécurité et le bon déroulement du trafic. Ce sont des fonctionnaires, c’est-à-dire qu’ils sont titulaires d’une charge publique. En ce sens ils ne peuvent abandonner leur poste de travail comme ils l’entendent.

Le mouvement social a pour origine la résolution des négociations du gouvernement avec les syndicats et l’AENA, l'organisme espagnol chargé de la gestion des aéroports en Espagne. L’AENA et le gouvernement espagnol voulaient négocier une réduction des salaires (200.000€ par an à ce moment-là) et une augmentation de la durée du travail des aiguilleurs du ciel. Comme les protestations du syndicat n’ont pas eu l’effet escompté, les fonctionnaires ont fini par abandonner leurs postes de travail, transformant l’horizon aéroportuaire espagnol en une vraie scène de film de guerre.   

Non seulement ils ont désobéi à l’article 102 du Code Pénal militaire, mais ils ont également gâché les vacances de centaines de milliers de personnes qui voulaient prendre un vol pendant les jours fériés. La grève des contrôleurs avait pour but de causer autant de problèmes que possible, de punir le secteur touristique avec des pertes se comptant en millions d’euros et de faire étalage de leur pouvoir de contrainte pour le pays. Certes il peut se concevoir qu’une réduction des salaires des contrôleurs entraîne logiquement des contestations de la part de ces derniers, mais il faut se rappeler qu’ils profitent de plus de privilèges que la plupart des travailleurs espagnols.

Une réponse gouvernementale juste

La décision du gouvernement espagnol de décréter l’état d’alerte a été très judicieuse, même si la gestion gouvernementale, lente et incompétente, n’a pas su être à la hauteur des dommages provoqués par les contrôleurs du ciel sur l’ensemble du pays. Pour approuver l’état d’alerte, il a fallu présenter la motion au Congrès et la faire approuver par la majorité de la chambre. Cela a été possible grâce au soutien de l’opposition parlementaire.

L’état d’alerte a duré 15 jours et a été prolongé de 15 jours. Durant cette période, l’armée a remplacé les contrôleurs du ciel, et a ouvert en parallèle une enquête pour trouver les causes des abandons de poste observés. La plupart des fonctionnaires a justifié son absence par des prétextes lamentables : ils ont en effet déclaré « souffrir de stress » ou « être malades ».

Une partie de l’opinion publique qualifie cette mesure de totalitaire et injuste, mais cela est totalement faux. Selon l’article 116 titre V de la Constitution Espagnole, une loi organique contrôle les états d’alerte, d’exception et de siège ainsi que leurs compétences et limitations. Telle est la loi organique 4/81 du 1er juillet, qui dispose que le gouvernement pourra déclarer l’état d’alerte dans une certaine zone ou dans la totalité du territoire national, selon les capacités que lui confère l’article 116.2 de la Constitution.

Une des raisons pour lesquelles on peut déclarer l’état d’alerte est la paralysie des services publics, essentiels pour la population, lorsque les points stipulés dans les articles 28.2 et 37.2 ne sont pas garantis.

L’état d’alerte a été indispensable pour éviter le chaos aérien et assurer le déblocage du ciel espagnol, même si la réponse du gouvernement pourrait avoir été plus  rapide. Et même, avec un peu plus de prévision et d’organisation, ce dernier pourrait avoir évité la grève des contrôleurs.

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

Une mesure excessive

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20/07/2011 - 20:23
L’état d’alerte n’était pas nécessaire et n’est pas justifiable. Un pays démocratique ne peut pas venir à bout de ses conflits d’opinion avec les contrôleurs aériens en utilisant la menace et la force militaire. La situation était le fruit de la manipulation du gouvernement.

La grève déclenchée en décembre 2010 par les contrôleurs du ciel a conduit le gouvernement espagnol à décréter l'état d'alerte pour 30 jours. C’est la première fois qu’on applique une telle mesure depuis le rétablissement de la démocratie il y a 32 ans. L’indignation croissante des personnes bloquées aux aéroports, et le fait que cette situation soit difficilement supportable pour le pays, ont conforté le gouvernement dans sa prise de décision.

Mais comment est-il possible de justifier ce choix du gouvernement, qui, concrètement, confie à l’armée le contrôle des aéroports et menace les grévistes de poursuites pénales pouvant aller jusqu’à une peine de prison ?

L’état d’alerte n’était pas nécessaire et n’est pas justifiable. Un pays démocratique ne peut pas venir à bout de ses conflits d’opinion (ici, avec les contrôleurs du ciel) en utilisant la menace et la force militaire. Une telle réaction encourage la méfiance de la population vis-à-vis du gouvernement en raison du rôle actif et essentiel de celui-ci dans le régime dictatorial du général Franco.

Un « état d’urgence » n’est donc pas la meilleure publicité pour l’Espagne, qui doit déjà faire face à la crise économique. Cette mesure pourrait effrayer les investisseurs étrangers et affaiblir les marchés financiers.

Il faut cependant admettre que les contrôleurs du ciel exercent une forte pression sur leur gouvernement [ce qui leur a permis d’obtenir des avantages notables lors de leurs négociations. Les aéroports étant indispensables au fonctionnement régulier d’un pays, une telle grève est difficilement supportable. Il était donc évident que le gouvernement finirait par prendre des mesures pour y mettre fin.

L’état d’alerte : résultat d’une possible manipulation du gouvernement ?

Le Gouvernement pouvait supposer à l’avance que si le décret de privatisation d’Aena était approuvé, cela entraînerait une grève des contrôleurs du ciel. La question est donc : pourquoi approuver un décret aussi polémique la veille d’un des weekends au trafic aérien le plus chargé en raison des fêtes nationales ?

Étant donné que la réaction des contrôleurs aériens était prévisible, nombreux sont ceux qui soulignent que le gouvernement s’est servi de cette situation pour détourner l’attention de la population. En effet, le même jour où la grève a débuté, le gouvernement socialiste adoptait de nouvelles mesures anti-crise, comprenant par exemple la suppression des allocations exceptionnelles de 420€ pour les chômeurs en fin de droits.

Il est donc clair que l’état d’alerte a servi pour détourner

l’attention de l’opinion publique (par un problème qui n’a touché que 1,2% des Espagnols) et dans le même temps a criminalisé les manifestants. En conséquence la population civile a supporté la militarisation de l’espace aérien pendant les 15 jours durant lesquels l’état d’alerte était appliqué.

Ainsi, l’exécutif espagnol a créé un problème de toutes pièces pour éveiller une certaine réaction de la part des Espagnols afin qu’ils exigent les mesures que le gouvernement voulait lui-même prendre dès le début. Ceci est un exemple des théories que Noam Chomsky a exposées dans ses Dix stratégies de manipulation des masses. L’exécutif espagnol, très critiqué par l’opinion pour ses mesures anti-crise, s’est servi de l’état d’alerte pour sortir de la situation, se montrer fort devant l'Union européenne et obtenir le soutien des Espagnols.

Un mauvais présage pour l’avenir

Mais ce qui est dangereux dans cette situation, c’est qu’on en arrive à la considérer comme une tentative de légitimation de l’intervention de l’armée par le gouvernement dans un conflit civil. Cet événement douteux et sombre justifie les craintes pour l’avenir. Maintenant, ce qu’il faut se demander, c’est si le gouvernement réitérera une telle initiative, par exemple en cas d’autres conflits d’intérêts affectant d’autres secteurs de l’Administration, déclenchant d’autres grèves informelles. Ou bien s’agit-il d’une mesure exceptionnelle qui n’aura aucune répercussion dans l’avenir donc ne justifie pas de crainte particulière pour le futur ?

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

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