Rapport de force avant les présidentielles
Le candidat secret de la gauche
Récemment, le SMER-SD a mis fin à l’affaire de non-nomination du Procureur général par le président de la République, en élisant son candidat au poste clé de la justice. La conquête complète du pouvoir étatique par le SMER-SD est en passe de s’achever : avec une majorité écrasante au Parlement voire dans les régions, les représentants du parti occupent les postes clefs de l'Etat, avec le poste de Premier Ministre et le Gouvernement, mais également de nombreuses autres fonctions incontournables, à l'exception notable de la présidence de la République. Sera-t-elle également conquise ? Plus généralement, la progression du SMER-SD a-t-elle ses limites ? Pas dans un futur immédiat. C’est du moins ce que suggère le dernier sondage d’opinion publique, d’après lequel le SMER-SD recevrait les votes de 47% des électeurs. Entretemps, la décomposition de la droite slovaque s’aggrave chaque jour.
La force, c’est « Fico »
Paradoxalement le parti leader des sondages n’a pas de candidat. Pas de candidat officiel, bien entendu. La question principale des élections à venir n’est pas de savoir qui de la gauche ou de la droite va l'emporter, mais plutôt si l’homme fort de la politique slovaque, le Premier Ministre actuel, Robert Fico, compte annoncer sa candidature. Si oui, il n’y a aucun doute qu’il gagnera sans difficulté. Les commentateurs des deux camps s’accordent sur le fait qu’il demeure la personnalité la plus charismatique et la plus populaire de la scène politique. M. Fico doit se poser ainsi une seule et simple question : « être ou ne pas être ... Président ? » Nombreux sont ceux qui remettent en cause l’hypothèse de la candidature de M. Fico parce que sa position actuelle à la tête de l’exécutif slovaque est plus forte que celui du chef de l’Etat, la Slovaquie étant une république parlementaire.
Toutefois, considérer que devenir Président de la République serait un pas en arrière, peut se révéler une grave sous-estimation des possibilités que recèle ce poste. Certes, il s’agit traditionnellement d’un poste symbolique, le Président de la République étant plus le représentant de l’Etat que le réel dépositaire du pouvoir politique. Cette honneur est en général accordé aux personnalités respectées mais en fin de carrière politique. C'est notamment le cas de Président Gasparovic, qui a occupé cette fonction pendant deux mandats consécutifs, et qui a souvent été considéré comme une marionnette aux mains du SMER.
D’ailleurs, nombreux sont ceux qui ne seraient pas déçus dans le cas d'un retrait de M. Fico du champ de l’action politique effective. Après avoir passé plus de 20 ans dans la politique de haut niveau, sa prétendue fatigue devrait justifier son souhait de se retirer à un poste où tant la responsabilité que l’exposition médiatique sont moins élevées, et permettant parfaitement de jouer le rôle d'arbitre et de « père de la Nation ». L’art, en politique, c’est aussi de savoir quand partir. Robert Fico, n’ayant pas encore épuisé son capital politique, pourrait être sûr de voir son nom inscrit dans les manuels d’histoire.
Ce n’est pas Fico mais le régime qui change
Hélas, la retraite de Robert Fico telle que présentée ci-dessus n’est que le rêve des adhérents de droite, et demeure peu réaliste. Il ne faut surtout ne pas se faire d'illusions. Il ne faut pas non plus sous-estimer les possibilités que cache la fonction présidentielle si elle est occupée par un homme ambitieux. Un véritable homme politique ne se retire pas à l'apogée de sa carrière, au contraire. Si le Premier Ministre Fico devait accéder au poste de Président, la fonction elle-même serait profondément transformée. Par simple changement de la coutume constitutionnelle, la Slovaquie serait vouée à se présidentialiser.
Au regard de ce qui se passe dans les pays voisins – la « Zemanocratie » en Tchéquie ou les tendances en Hongrie, un tel développement ne surprendrait personne. Rappelons qu’aujourd’hui, il ne manque que 7 députés au SMER-SD pour qu’il puisse modifier à lui-seul la Constitution. La suite aux prochaines législatives ...?
Même si la Slovaquie ne devenait pas une république présidentielle, l’application du schéma « Poutine - Medvedev » par M. Fico représente un scénario également inimaginable pour la droite.
Iveta Radicova, une « femme providentielle » de la droite ?
Le seul moment attendu est donc l'annonce de sa candidature par M. Fico. D’autant plus que pour l’instant, la droite fait preuve, une fois de plus, de son incapacité à s’unir, ce qui peut lui être fatal. A moins qu’elle ne cesse de nommer des candidats de plus en plus minables et qu’elle se mobilise pour soutenir la «martyre politique», Ivana Radicova, l’ex Premier Ministre, retirée de la vie politique. Mais cette dernière refuse de se porter candidat. Comme d’ailleurs M. Fico... Or le diction populaire dit que démentir sa candidature constitue la première étape de sa campagne électorale.
Pour l’instant, Mme Radicova temporise. Mais son retour soudain en tant que femme providentielle, femme politique qui luttait pour la transparence, et qui a été «châtiée » pour ces idéaux demeure le dernier ressort de la droite. Il se peut que l’échec d’une droite trop divisée aux élections régionales de cet automne donne l’impulsion pour proposer un candidat commun, capable d’affronter M. Fico au combat final et d’empêcher que ce dernier ne domine toute la vie politique slovaque pendant les années à venir.
Or, M. Fico dispose d’un avantage stratégique supplémentaire. En effet, au vu du nombre de ses députés au Parlement, il peut se permettre d’attendre jusqu’au dernier moment avant de se déclarer candidat. A contrario, Mme Radicova ou les autres, en qualité de candidats citoyens, doivent récolter les signatures de 15 000 citoyens, ce qui les contraint à se manifester plus tôt. Ainsi, M. Fico pourrait prendre sa décision au tout dernier moment, lorsqu’il sera sûr de ne pas avoir de concurrence réelle et afin d’éviter l’inimaginable : une défaite aux présidentielles qui pourrait avancer la date de la fin de sa carrière politique.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Une droite toujours morcelée
La droite se trouve dans une situation critique : pas un seul parti ne dépasse les 10% dans les sondages, tous bataillent pour prendre la tête de l'opposition, et l'on note de graves dissonnances entre les différentes formations, notamment à l'occasion des élections régionales prévues cette automne. Et si la droite répugne à ne présenter qu'un seul candidat, cela découle, paradoxalement, de cet affaiblissement. D'où cette étrange situation qui voit la droite et le centre droit proposer à ce jour déjà cinq candidats - d'autres candidatures, pour l'heure officieuses, ne sont pas exclues.
Question à choix multiples
Le mouvement chrétien démocrate (KDH) est le parti d'origine de trois candidats. Pavol Hrusovsky, ancien président du Conseil national (Parlement) de la République slovaque et député depuis 1990, homme d'une grande expérience politique, représentera le KDH et le Most-Híd, « Le pont » - le parti représentant essentiellement la minorité hongroise de Slovaquie. Les trois partis de la Plate-forme populaire, dont la SKDU-DS, l'Union slovaque chrétienne démocratique, ont émis le désir de présenter un candidat commun.
Ce qui freine encore la SKDU dans cette démarche reste l'espoir de voir revenir en politique Iveta Radicova, Premier Ministre de 2010 à 2012. Madame Radicova n'y semble nullement disposée, ayant refusé à plusieurs reprises de se lancer dans la course à la présidentielle, et cela bien que certains élus la perçoivent toujours comme la femme providentielle.
Le deuxième candidat issu du KDH, dont il n’est plus membre depuis quelques mois, Radoslav Prochazka, demeure le plus jeune postulant à la présidence. Ce juriste de 41 ans, qui a fait ses études à Yale, avance des idées progressistes, même si d'aucuns estiment qu'il manque encore d'expérience. Prochazka a déjà laissé entendre qu'il pourrait, dans le même esprit que Président Gasparovic, lequel a empêché le procureur général élu par le Conseil national d'entrer en fonction, révoquer le président de la Cour Suprême ou d'autres fonctionnaires très controversés – ce qui aurait été un dangereux précédent ouvrant la voie à un système semi-présidentiel.
Jan Carnogursky, président d'honneur du KDH et figure emblématique de la dissidence slovaque de l’époque communiste, a pour sa part fait savoir qu'il briguait également la présidence, sans aucun appui d'autres partis sur une base civique. Personnalité d'envergure, il pourrait fort bien prendre les rênes du pays, et même devenir, puisqu'il se situe près du Centre, un candidat consensuel pour une partie des sociaux démocrates : ceux qui préfèreraient voir Robert Fico, l'actuel Premier Ministre, rester en fonction, et Carnogursky accéder à la présidence, dans l'hypothèse où celui-là ferait campagne pour la présidentielle.
Et dans ce cas, Premier Minstre Fico, de même qu'un autre candidat de la gauche, devront affronter deux autres candidats qui se positionnent clairement dans l'opposition : Andrej Kiska, homme d'affaires remarqué par ses actions caritatives depuis qu'il a fait fortune, et Peter Osusky, médecin et candidat officiel des libéraux, quoiqu'issu du milieu conservateur. Si ce dernier ne semble pas avoir la carrure d'un chef d'état, Andrej Kiska, nouveau politique, séduit quant à lui dans les sondages par son absence de passif en ce domaine.
L'électeur de droite aura donc un choix assez large, voire trop large. Manque toutefois un personnage charismatique, recueillant la majorité du vote slovaque, que pourrait peut-être incarner Carnogursky.
Absence d'unanimité
La droite slovaque reste donc morcelée, et peine à se regrouper autour d'une même figure politique, bien qu'elle ait déjà essuyé un camouflet en 2004, tous ses candidats s'étant trouvés éliminés dès le premier tour des présidentielles, finalement remportées par l'actuel président. Sans consensus entre les partis de droite, le duel pour la présidentielle, bien que bénéficiant d'une polarité gauche-droite, risque de voir le candidat de la droite en mauvaise posture, car mal étayé par ses pairs. Par ailleurs, des hommes comme Kiska, ou Carnogursky, capables de séduire une partie de l'électorat de gauche, pourraient ne pas faire l'unanimité dans leur chapelle. Et cela alors que la droite peut espérer, lors des prochaines élections présidentielles, s'imposer à nouveau en Slovaquie, sur une scène politique jusqu'à lors dominée par le SMER-SD, parti au pouvoir.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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