V4 : véritable force européenne ou mirage politique hongrois ?
Le potentiel V4 non exploité
Construire des alliances est tout à fait naturel parmi les vingt-huit membres de l'Union européenne. Malgré le fait que nous entendons si peu parler d'autres partenariats historiques, ils fleurissent et s'épanouissent en Europe.
Absence de contexte institutionnel
Les États du Benelux gèrent ensemble de nombreuses institutions: depuis 2010, ils s'appellent l’Union Benelux et ont une assemblée parlementaire commune et indépendante, une Cour de Justice, un Comité des Ministres et un Secrétariat Général. Le Conseil nordique dispose également d'une assemblée indépendante composée des représentants parlementaires de la région et d'un Conseil des ministres. Nous pourrions encore mentionner comme exemple l'Assemblée des États baltes ou encore la Ligue hanséatique qui a été ressuscité il y a plus d'un an, et organise successivement des réunions informelles, fermées et de niveau ministériel, chacune ayant une influence substantielle sur les affaires européennes. Des partenariats comme ceux-ci n'ont de sens qu’en cas des réunions efficaces, organisées plusieurs fois par an dans chaque domaine politique et que s’ils sont intégrées dans le fonctionnement des administrations publiques. Existe-t-il une trace de telles réunions dans la coopération de Visegrád ?
Combien de membres du Parlement hongrois rencontrent régulièrement leurs homologues de Visegrád afin de construire une cause commune de l'administration publique des quatre pays? Combien de représentants dans notre région sont prêts à parler dans une langue qui n'est pas la leur ?
Combien de temps faut-il pour reconstruire la culture diplomatique après une interruption de quarante ans lorsque les jeunes parlant des langues étrangères sortent de la région?
Bien que des mesures importantes aient été prises au niveau de la communication politique dans les capitales V4, les membres de Visegrád ont encore beaucoup à apprendre en matière de prise de décision quotidienne tant au niveau national que régional : ils doivent travailler sur la mise en œuvre de leur politique, ainsi que sur leurs capacités à établir des consensus et à renforcer la confiance, afin d’aller au-delà des déclarations fréquentes et colorées.
Les obstacles à la coopération
Bien que la communication nationale en Hongrie favorise actuellement – à juste titre – la coopération de Visegrád, il faut que ces quatre pays fassent encore quelques progrès. La Pologne doit aussi passer par ce processus d'apprentissage afin de réaliser qu’elle aura besoin du soutien des autres pays de Visegrád pour pouvoir faire entendre sa voix à côté des gros poissons, Berlin et Paris en tête. Cependant, il resterait beaucoup moins d'opportunisme et moins de marge de manœuvre bilatérale pour les trois autres membres, ce qui ne représente pas une approche politique viable aujourd’hui.
Autre obstacle : le problème russe, qui divise inévitablement l'axe Visegrád. Jusqu’à ce que la Pologne soit obligée de compter sur les États baltes et sur la Finlande à ce sujet, elle devra partager son énergie et ses ressources. La Pologne ne peut pas gérer cette question au sein du groupe de Visegrád : il est donc possible qu’en matière de la cybersécurité, des questions militaires et peut-être en matière de la coordination des services secrets aussi, elle se tourne vers le Nord.
Toutefois, tous ces aspects seraient tous des domaines politiques convenables pour construire la confiance entre ces pays dont le manque sera senti par la coopération de Visegrád à l'avenir, comme elle l'a déjà ressenti dans le passé.
Dépendance excessive de l'Ouest
Parmi les indicateurs économiques des pays de Visegrád, nous pouvons voir beaucoup de données intéressantes. Celles-ci sont toutefois dues en grande partie au commerce intragroupe des multinationales allemandes, ce qui ne produit malheureusement qu'une faible valeur ajoutée – bien qu’il montre l'ancrage de la région dans les processus économiques allemands. Par conséquent, il ne renforce pas l'indépendance à long terme. Selon l'enquête de PWC de cette année, la plupart des PDG d'Europe centrale considèrent toujours la fuite des cerveaux comme le plus grand risque. C'est un signe d’avertissement sérieux. Même si le groupe V4 avait la capacité de créer des entreprises visibles au niveau européen, qui auraient donc un pouvoir de rétention conduisant à davantage de coopération dans la région, nous ne voyons pas trop d'exemples ! Il est encore moins courant d’apercevoir une volonté politique transgouvernementale derrière ces initiatives ; de toute façon, il n'existe tout simplement pas assez d'entreprises de type MOL.
Dans la politique mondiale, les pays de Visegrád ne sont toujours visibles qu'au travers du prisme de l'Union européenne. L'objectif réaliste de la coopération de Visegrád ne pourrait être que la défense de leurs intérêts dans l'UE. Mais pour cela, les différents États membres devraient également avoir des stratégies politiques à long terme, ce qui est impossible dans le contexte des vagues populistes actuelles, sans parler des difficultés de gouvernance qui surgissent de temps en temps à Prague et à Bratislava. Si la coopération V4 s'institutionnalise au sein de l'Union – à Bruxelles –, Berlin le remarquera certainement. Il ne fait aucun doute qu’ils n’apprécieront pas. Si les pays de Visegrád veulent des résultats durables, ils doivent travailler dessus de manière constante, pendant plusieurs années.
Il reste encore un long chemin à parcourir
Nous sommes encore au début du processus ; après les séances de photos communes, il serait temps de se mettre au travail, d'enseigner la langue des pays voisins aux employés de l'administration publique, d’initier des programmes d'échange à long terme pour les fonctionnaires permettant la participation à un plus grand nombre d’employés, d’établir des liens officiels avec une présence permanente dans les domaines politiques les plus importants, ou encore d’organiser des formations communes dans les domaines hautement prioritaires en langues étrangères. Et ce ne serait qu’un début. Ensuite, les quatre représentations permanentes pourraient emménager dans un bâtiment commun à Bruxelles. Ou à Washington aussi. Ou même à Moscou ?!
Cependant, ils entretiennent actuellement des relations avec la Chine dans un format 16 + 1 dans la région, au sein du CFP (Comité du cadre financier pluriannuel de l'UE). Ils y discutent, mais cela signifie presque exclusivement la critique de l'UE et non pas les propositions constructives : la procédure de l'Etat de droit contre le gouvernement PiS polonais et la solidarité que la Hongrie a exprimée à cet égard ne sont pas exactement le type d'unité de la coopération de Visegrád sur laquelle nous avons écrit ci-dessus.
Bref, il n'est pas évident que les compromis que les dirigeants des pays de Visegrád qui refusent de faire pour Bruxelles ou Berlin seraient prêts à le faire pour Bratislava, Budapest, Varsovie ou Prague. Et cette faiblesse de la culture politique a des conséquences à tous les niveaux.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
L'avenir appartient aux pays de Visegrád
Il serait difficile de nier qu'au cours des dernières années, l’importance de la région de l'Europe centrale et surtout des pays V4 (la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie) s’est accrue dans la politique mondiale. Il suffit de penser à Donald Trump qui a prononcé son premier discours "européen" en 2017 à Varsovie, au sommet Chine/Europe centrale-orientale qui s'est tenu à Budapest, ou même à la visite du Premier ministre israélien et du président égyptien dans la région.
Le partenariat régional est devenu plus apprécié
La région des pays V4 est devenue l'une des régions les plus stables du monde sur le plan politique et elle représente un pouvoir respectable et attractif de point de vue économique. Ces pays ont été rapprochés par la reconnaissance de leurs valeurs et intérêts communs, ainsi que par l’action conjointe pour les affirmer. La coopération du groupe V4 peut être considérée comme un succès non seulement d'un point de vue diplomatique mais aussi historique. En effet, les résultats du passé – qui servent d’ailleurs de modèles pour d'autres pays d'Europe centrale – montrent qu'en surmontant les griefs du passé, nous pouvons construire un partenariat régional au lieu d’alimenter les divisions.
Pour nous, l’esprit du partenariat en l'Europe centrale et le nouveau dynamisme seront des points de référence particulièrement importants dans les années à venir, d'autant plus que les tentatives de division de la part de l'Europe occidentale semblent devenir permanentes. L'élite occidentale a été frustrée de voir l'unité indissociable de la région, notamment en ce qui concerne la question des quotas de migration. Cela est particulièrement flagrant si nous considérons que les gouvernements V4 sont issus de différentes alliances de partis en 2017 et que le niveau d'intégration avec l'Occident varie également selon les États.
Tout est fait pour l’approfondissement de la coopération
Tout d’abord, il convient de souligner que les citoyens des pays soutiennent ce partenariat. Nézőpont Intézet, un think tank conservateur hongrois basé à Budapest, a réalisé un sondage en 2017 auprès de la population adulte des pays V4. Selon les résultats, plus de 8 personnes sur 10 (84%) dans la région ont déjà entendu parler du groupe de Visegrád et une proportion similaire de personnes l'a jugé important. Une autre conclusion importante de l'enquête était que la population percevait positivement ce même V4.
Sept personnes sur dix (68%) pensent que les pays V4 peuvent faire valoir leurs intérêts plus efficacement à Bruxelles ensemble que tout seul. Quant aux perspectives de la coopération, les citoyens souhaiteraient renforcer davantage le partenariat V4, principalement dans les domaines de la protection des frontières extérieures, de l’harmonisation et de la coordination de la politique industrielle, ainsi qu’en matière des projets d'infrastructures communs (comme la construction des autoroutes).
Le réalisme de la perspective économique est démontré par la similarité des plans de politique économique que les pays de la région tentent de mettre en œuvre, tous axés sur l'amélioration de la compétitivité. Il va de soi que cela devrait également renforcer la « dimension de Visegrád ». De nos jours, l'espace économique d'Europe centrale – dont le moteur est la coopération des pays V4 – a des perspectives très encourageantes, fournissant une base économique stable pour ces aspirations.
Les pays de la région doivent maintenant profiter de ce potentiel, car il existe une concurrence sérieuse dans le monde pour le financement des investissements créateurs d'emplois et des projets d'infrastructure, et parallèlement à cela se développe à la vitesse de la lumière la numérisation de la société. Ainsi, il ne s'agit pas de savoir s'il y aura de nouveaux sujets V4 outre les domaines de coopération testés, étant donné que les développements de 2017 mentionnés témoignent déjà d’un nouvel élan.
Les pays V4 forment un nouveau concept sur l’Europe
Enfin, il est important de souligner que les pays V4 influencent aussi l'avenir de l'Europe. Il est intéressant de voir que l'instabilité politique en Europe occidentale est devenue pratiquement générale au moment où ils voulaient approfondir l'intégration dans une direction fédéraliste. En même temps, la formation d'un gouvernement est devenue problématique dans de nombreux pays après l'année électorale de 2017 ; de plus, des crises « considérées auparavant comme impossibles » (telles que le Brexit, le régionalisme ou le séparatisme) ont également causé de grands ralentissements dans les ambitions européennes.
En revanche, les pays V4 ont réalisé durant cette période que les vieilles solutions se révèlent obsolètes dans cette situation sans précédant. C'est ainsi que le pragmatisme et la défense des cadres nationaux et des vraies valeurs européennes ont pris le pas sur l’approche idéologique. L'élaboration des politiques guidées par le bon sens a pris le dessus sur le langage bureaucratique.
Par conséquent, il serait plus que probable que ce ne soit pas les rêves fédéralistes mais le groupe de Visegrád et, au sens plus large, la coopération centre-européenne qui pourra fortifier l'Europe et guider l’Europe. De ce point de vue, la victoire d'Andrej Babiš en République tchèque a été un événement capital ; il en va de même du côté de l’Autriche : la nouvelle direction politique consiste à tenir derrière les pays V4 au sujet de nombreuses questions. En résumé, il n'est pas erroné de constater que l'avenir appartient aux pays de Visegrád.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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