Intervention russe en Syrie
Poutine – Bachar : une stratégie dissidente ne signifie pas qu’elle est légitime
Quand ce 20 octobre 2015, on a assisté à la première rencontre hors du sol syrien entre les chefs d’État syrien et russe, l’intervention russe en Syrie est apparue comme une nécessité. Avec Daech qui se profile comme le nouveau mal absolu au Moyen-Orient, l’implication de Vladimir Poutine dans le conflit aux côtés de son homologue Bachar el-Assad se justifie facilement. Mais derrière cette lutte affichée contre la barbarie de l’organisation État islamique et contre l’instabilité en Syrie, se profile une stratégie politique pour légitimer l’autoritarisme et défier l’occident.
Un moyen de justifier la dictature
Un régime des plus haïs en Occident qui en aide un autre. Poutine, le dirigeant russe qui nous évoque guerre de Tchétchénie, Pussy Riot, répression aux JO de Sotchi ou encore annexion de la Crimée, intervient contre Daech (et autres rebelles syriens) aux côté du chef d’État syrien Bachar-el-Assad. Un homme qui il y a encore deux ans était associé aux termes « violence policière», « massacre de masse » ou encore « armes chimiques », lui valant les foudres de la communauté internationale.
La lutte contre Daech reste un moyen pour les deux États de légitimer leur politique autoritaire sur la scène internationale et sûrement pas d’aller défendre la veuve et l’orphelin. Les puissances occidentales en ont bien conscience. Ainsi, le Premier ministre français Manuel Valls demandait encore récemment « Qui peut penser que le principal responsable du problème puisse faire partie de la solution ? ».
La stratégie de la Russie et de la Syrie baasiste de Bachar est d’affirmer que la loyauté vis-à-vis de ces régimes autoritaires est nécessaire à la résolution du conflit. Or, il n’en est rien. Aujourd’hui, l’autorité d’el-Assad n’est plus respectée sur une grande partie du territoire. On ne massacre pas son peuple sans en payer les conséquences à court ou à long terme.
L’image de solution alternative à la « méthode occidentale »
L’alliance Russie-Syrie, c’est surtout le message envoyé à la scène internationale que les Occidentaux n’ont pas le monopole sur le « maintien de l’ordre » au Moyen-Orient. Après tout, on ne peut pas nier que les forces armées d’Occident, surtout américaines, ont une responsabilité majeure dans le chaos qui sévit par exemple en Irak. Mais cela justifie-t-il la solution que la Russie donne ? Non et pour plusieurs raisons.
Ce que remet en cause la politique d’intervention de Poutine c’est tout le processus de démocratisation que les révolutionnaires du « Printemps arabe » en Syrie espéraient. Ici, cette alliance des exclus de la scène internationale nous prône une solution opposée aux aspirations des premiers rebelles et rejette la faute sur eux. Or, peut-on réellement penser que l’autoritarisme est une solution au fondamentalisme ? À court terme on peut le penser, mais museler un peuple n’attise que les rancœurs. Dans un monde où la communication et l’extension des idéaux démocratiques est inévitable, on aura toujours des dissidences et des mouvements de protestation. C’est pourquoi on ne peut pas nier que la stratégie de la Russie est d’aider, sous couvert du rétablissement de l’ordre et de la lutte contre les multiples islamistes radicaux de Daech ou d’al-Nosra, à éjecter de la scène les forces pro-démocratiques.
La méthode « russe » n’est pas plus respectueuse des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale des États membres que celle des occidentaux qui est si critiquée.
L’inefficacité d’une lutte d’influences
La stratégie de Poutine et d’el-Assad est trop ambigüe pour fonctionner. La seule impression donnée est celle que la lutte contre les « forces du mal » du Moyen-Orient n’est qu’un moyen de défier le monde occidental plutôt que de vraiment s’y associer. C’est un coup de force géopolitique qui se cache derrière la pancarte d’humanité et de pragmatisme que les deux régimes alliés se donnent en luttant contre la barbarie des islamistes radicaux.
Avec l’intervention russe, la guerre « contre le chaos syrien » se transforme. Elle devient une lutte d’influences entre occidentaux et russes. Cela conduit à éluder les vraies racines du conflit et à mettre de côté la défense du peuple syrien. Les forces terroristes n’en sortiront que plus renforcées : « Diviser pour mieux régner » ne profitera ni aux Russes ni aux Occidentaux, mais aux terroristes et au chaos.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Une guerre légitime contre l'Etat Islamique
Le 30 septembre 2015, la Douma (chambre parlementaire russe) autorisait l’expédition de forces armées en dehors de la Russie. Cette décision marquait le début de l’intervention russe officielle. Intervention qui n’est qu’un approfondissement puisque les Russes fournissaient déjà en armes le régime syrien de Bachar Al-Assad. Les bombardements ont donc débuté, à ceci près qu’ils visent à la fois les rebelles syriens et l’organisation de l’Etat Islamique. Cette stratégie a choqué en Occident. La pertinence de la stratégie russe peut ne pas être perceptible au premier abord, mais elle le devient lorsque l’on s’intéresse à la configuration du conflit.
Les rebelles syriens : un élément incontrôlable du conflit
La guerre en Syrie est un conflit complexe. Il s’agit d’une guerre civile entre les opposants au président syrien et l’armée syrienne. Il s’agit aussi d’une guerre entre l’armée syrienne et l’Etat Islamique. Il est aujourd’hui clair que les rebelles ne sont pas une entité politique unie, mais un rassemblement de mouvements épars. On trouve en effet dans les rangs rebelles autant d’ex-militaires ayant déserté l’armée syrienne que de djihadistes. Les rebelles apparaissent ainsi, malgré les légitimes revendications de certains d’entre eux, comme un élément incontrôlable du conflit syrien. D’autant plus que l’Etat Islamique et ces mêmes rebelles anti-Assad ont un ennemi commun: Bachar Al-Assad, qui incarne l’autorité de l’Etat et l’ordre.
La lutte contre les rebelles au service de la lutte contre Daech
Dans cette optique, la dénonciation des bombardements russes menés contre les positions des rebelles perd de sa pertinence. En agissant ainsi, les Russes entendent soutenir leur allié syrien, mais aussi permettre à l’armée syrienne de se concentrer sur la lutte contre Daesh. La stratégie russe apparaît donc très pertinente.
Une intervention respectueuse du droit international
Dans la mesure où le Président syrien, souverain et légitimé par des élections, a demandé l’aide russe, l’intervention russe en Syrie est conforme au droit international. Il ne s’agit ni d’une tentative d’annexion, ni d’une intervention unilatérale. Si l’on observe la situation avec du recul, il ne s’agit ni plus ni moins de l’aide d’un Président légitime à un autre afin de permettre à ce second d’assurer la stabilité politique. Aucune critique ne peut donc viser Vladimir Poutine sur le terrain du droit.
La Russie : un allié indispensable contre l’Etat Islamique
Dans le combat contre Daesh, la Russie dispose d’atouts indéniables dont les puissances occidentales ne peuvent se priver. Sa puissance militaire et sa connaissance du contexte Syrien, allié depuis le milieu du XXème siècle, en fait un atout de poids.
Il est ainsi de l’intérêt des puissances occidentales de soutenir l’intervention russe. Le succès contre la barbarie de Daech en dépend.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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