La France doit-elle livrer les Mistrals à la Russie ?
Le prix réel des Mistrals
L’annexion de la Crimée et la politique de force de la Russie dans l’est de l’Ukraine ont été unanimement condamnée par les Etats membres de l’Union Européenne. Pourtant, aucun pays ne veut souffrir le risque d’aller trop loin dans les sanctions contre la Russie.
Mettre fin à l’hypocrisie
Derrière les déclarations des dirigeants des pays Européens, de réelles mesures sont-elles mises en place pour soutenir l’Ukraine ? Les chancelleries européennes ont choisi la voie des sanctions contre la Russie, mais sur le champ de bataille, la situation est toujours aussi grave, et a même tendance à empirer en ce début d’année 2015. Toutefois, bien qu’imparfaite, la politique de sanction contre la Russie doit continuer.
La responsabilité d’un pays comme la France est donc de rester cohérent dans la politique de sanctions. Continuer la coopération dans le domaine militaire alors que les sanctions économiques pleuvent sur la Russie serait non seulement incohérent, mais aussi hypocrite.
Cesser la vente d’armes à l’agresseur Russe
La politique de sanctions est contradictoire parce que c’est d’abord la population des pays qui en sont la cible qui en souffrent le plus. Une sanction dans le domaine de la coopération militaire présente l’avantage de ne pas directement toucher le bien-être de la population du pays en cause.
De plus, même si elle a grand besoin d’argent, la France devrait penser au réel prix de ces bateaux. Selon les autorités ukrainiennes et les forces militaires présentes sur le terrain, la Russie fournit chaque jour aux séparatistes des armes et des soldats, en violation complète d Mémorandum de Minsk. Le bilan des morts militaires et civils dans l’est de l’Ukraine s’alourdit de jour en jour.
Les Mistrals ne sont donc pas à mettre sur le même plan que n’importe quel autre bien commercial, comme le vin ou le fromage que la France est si fier d’exporter. Les Mistrals sont une arme, qu’il faut à tout prix éviter de mettre dans les mains de l’agresseur.
Solidarité Européenne
Cette année, malgré tous les problèmes internes que rencontrent les Etats membres de l’Union Européenne, et malgré l’habituelle difficulté à trouver un terrain d’entente en matière de politique étrangère commune, l’Union Européenne s’est montrée unie sur le sujet Ukrainien. L’Union Européenne a surpris par sa rapidité et sa détermination a prendre des sanctions contre la Russie. Les pays ont été unis par leur compréhension de la menace que fait peser la Russie sur la paix et l’équilibre du continent européen par la violation du droit international dont ce pays s’est montré capable.
La solidarité est ce que Poutine craint le plus. On le voit à sa manière de conduire la politique étrangère de la Russie vis à vis de l’Union Européenne : le président Russe joue avec chaque pays de l’Union Européenne séparément, tout en soulignant que la politique de sanctions nuit à l’Europe, et qu’elle n’est que l’émanation de bruxelles, qui dicte leur conduite aux pays européens.
Ne nous trompons pas : la politique de sanctions contre la Russie n’est pas le reflet d’un dictat Bruxellois ou Américain. Elle est le fruit d’une volonté politique consciente et nécessaire pour protéger les valeurs de la démocratie, de la paix et de la liberté.
Si la France livre les Mistrals, les autres Etats membres de l'Union Européenne seront tentés de penser que la solidarité n’est que de surface et qu’en sous-main, chacun peut suivre son propre intérêt commercial.
Respecter l’esprit du Mémorandum de Budapest
Par le mémorandum de Budapest signé le 5 décembre 1994, l'Ukraine a renoncé aux armes nucléaires en échange d'une garantie de sa souveraineté et de son intégrité étatique. Selon ce traité, les garants de l'indépendance et de la sécurité de l'Ukraine sont les États-Unis, la Grande-Bretagne et la Russie. La Russie a violé la souveraineté de l'Ukraine, d'abord en envahissant la Crimée, puis en faisant la guerre à l'est du pays.
En 1994, l’Ukraine a fait un sacrifice important en renonçant à l’arme suprême. L’Ukraine a ainsi montré son souci de ne pas créer un nouveau point de tension en Europe. Dans ces conditions, la France ne doit-elle pas abandonner ses lucratifs contrats militaires avec la Russie afin de donner une chance à la souveraineté de l'Ukraine et à plus long terme de toute l'Europe de l’Est ?
L’affaire des Mistrals ouvre une discussion plus large, à propos du pacifisme et du renoncement généralisé à l’usage des armes comme moyen des relations internationales. Cet article soutient que les contrats de livraison d’armes tels que celui-ci vont dans la mauvaise direction. Les raisons commerciales devraient toujours passer après la nécessité de maintenir la paix et d’éviter la guerre.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Il faut livrer les Mistrals à la Russie
La décision de la France pose le problème de l’arbitrage entre éthique dans la conduite des relations internationales et respect des obligations contractuelles liant la France à la Russie. En choisissant de ne pas respecter son contrat, la France fait une interprétation peu convaincante des tensions qui opposent les Etats occidentaux et la Russie, et fait l’erreur de continuer à favoriser l’isolement de son important voisin.
Un arbitrage difficile entre éthique et obligation juridique
Il est clair que le respect d’une certaine éthique commanderait à la France de refuser de livrer les Mistrals à la Russie, susceptibles d’être utilisés par M. Poutine dans ses divers coups de force et tentatives de pression sur ses voisins, comme dans le cas sensible de l’est de l’Ukraine. Cependant, la France est liée contractuellement à la Russie sur cette question des Mistrals depuis 2011, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La France doit-elle sacrifier son obligation juridique sur l’autel du respect de sa conception des droits de l’Homme et de son opinion de la politique russe ?
Le nécessaire respect du droit dans les relations internationales
C’est tout à l’honneur du gouvernement français de montrer qu’il se pose la question. Pourtant, ne pas respecter l’exécution de son contrat est une erreur. En effet, en refusant de livrer les Mistrals à la Russie, la France fait preuve de bien peu de considération pour le respect du droit comme principe directeur des relations entre Etats. Bien qu’étant souvent peu respecté, le droit et les obligations qui lient les Etats sont des facteurs de stabilité dans leurs relations. De ce point de vue, qu’il s’agisse d’un contrat ou d’un traité, faire et défaire les engagements contractés est une pratique nocive.
Sur le principe, la non livraison des navires Mistrals à la Russie est donc à éviter. Mais il y a pire : cette affaire révèle que la France est dans l’incapacité de concevoir et d’appliquer une vision de long terme de sa politique étrangère, en particulier vis à vis de son grand voisin Russe.
Reflet du manque de vision à long terme de la politique étrangère française
Etre capable en l’espace de 3 ans de se satisfaire de la conclusion d’un contrat commercial historique avec la Russie, puis de le dénoncer, montre que la politique étrangère française opère au coup par coup, se fixe au gré des majorités, et n’intègre pas de vision de long terme de sa place vis à vis des autres puissances. Le fait que ce problème émerge vis à vis de la Russie, puissance majeure avec qui la France entretient des liens culturels et économiques séculaires, est révélateur.
Ce manque de vision conduit la France à perdre en poids vis à vis des grandes puissances comme la Russie. Il la mène aussi à mal évaluer l’efficacité d’une telle mesure sur la politique de force employée par la Russie dans l’est de l’Ukraine.
En effet, le refus de livrer les Mistrals représente une « mesurette » au regard de l’objectif poursuivi. Penser que M. Poutine fonde sa stratégie militaire sur la livraison d’équipements par un partenaire commercial décidemment bien inconstant serait naïf.
Les hésitations de la France posent aussi le problème de la cohérence de sa politique. Rappelons que derrière les déclarations de F. Hollande, des militaires russes ont été formés sur le territoire français, entre juin et décembre 2014, à l’utilisation de ces navires. Enfin, en ajoutant une sanction supplémentaire peu lisible au chapelet déjà bien large de mesures économiques de l’Union Européenne et de ses Etats membres contre la Russie, la France perd une occasion de se positionner comme une force de proposition et d’innovation dans l’attitude à adopter face à la Russie.
La France ne propose rien de plus que la poursuite de l’isolement de la Russie et de son affaiblissement économique. En agissant de la sorte, le risque est de pousser un Poutine enclin à conserver sa popularité auprès des Russes vers une fuite en avant qui le conduirait à toujours plus de nationalisme, toujours plus de rhétorique antioccidentale, et toujours plus de conduite agressive de sa politique étrangère.
Il est donc plus que jamais nécessaire que la France redevienne porteuse d’une vision claire et affirmée de sa politique étrangère. Accepter de livrer à la Russie ce qui lui est du contractuellement serait un premier pas dans cette quête.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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