Le projet européen de Nicolas Sarkozy met-il en danger la construction européenne ?
Nicolas Sarkozy, un Européen accompli mais incompris
Le 11 mars 2012 lors de son meeting à Villepinte, où l'Europe était au coeur du discours, Nicolas Sarkozy a annoncé deux mesures phares pour l'Europe : la révision du traité de Schengen et la mise en place de nouvelles politiques commerciales. Loin d'un «retour en arrière», qui ferait de Sarkozy un vague cousin eurosceptique du hongrois Victor Orban, ces nouvelles politiques qui n'ont rien d'inattendu affirment le volontarisme de l'actuel chef de l'Etat sur la scène européenne.
Une révision nécessaire des accords de Schengen
Rompant avec la langue de bois qu'on reproche souvent aux dirigeants européens, le président-candidat a estimé que les accords de Schengen devaient être «révisés». Signée en 1985 entre l'Allemagne, la France et le BENELUX, la première convention de Schengen instaure la circulation libre de tout citoyen d'un pays membre à l'intérieur des pays signataires sans avoir à subir de contrôles. Institutionnalisé à l'échelle européenne par le traité d'Amsterdam en 1997, l'espace Schengen regroupe vingt-cinq pays membres. Cette révision, parfois décrite comme un «coup de tonnerre» n'est en réalité pas nouvelle. En 2011, l'arrivée massive de migrants tunisiens sur l'île italienne de Lampedusa avait relancé le débat, montrant une insuffisance de la surveillance aux frontières extérieures. Des réformes sont en cours depuis un an afin de la renforcer. Le reproche qui peut être fait à Nicolas Sarkozy, c'est de manquer d'idées neuves, mais pas d'être un danger pour l'Union.Si le ton de l'ultimatum peut paraître inutilement agressif, il n'est utilisé que pour «mettre les États devant leurs responsabilités», comme l'affirme Arnaud Danjean. Et une remarque de bon sens s'impose : pourquoi faire preuve de plus de tolérance pour des immigrés qui fuient un mouvement soutenu par l'Europe instaurant la démocratie dans leurs pays ?
Une politique commerciale pro-européenne
Nicolas Sarkozy propose également un «Buy European Act», sur le modèle du «Buy American Act», sorte de préférence communautaire, qui n'a rien à voir avec du protectionnisme. Cette mesure consisterait à réserver une part des marchés publics européens à des entreprises européennes plutôt que de les attribuer à des entreprises non européennes subventionnées par leurs gouvernements d'origine. Il a évoqué l'exemple des États-Unis, qui «ont une législation qui oblige à réserver une partie des commandes publiques à leurs petites entreprises», en promettant que «la France exigera que désormais les PME européennes aient une part des marchés publics qui leur soit réservée». Ces mesures visent à promouvoir et protéger l'UE dans un contexte de crise économique et de compétition accrue dans le commerce international, pas à l'affaiblir.
Un approfondissement de la construction européenne
Loin d'un populisme nationaliste dans lequel il est trop vite catalogué, le président-candidat appelle de ses voeux «un gouvernement politique de Schengen comme il y a désormais un gouvernement de la zone euro.» Ces mesures doivent être évaluées à l'aune de la place occupée par le président-candidat sur la scène européenne. En 2005, le président-candidat a fortement défendu le traité constitutionnel qui a finalement été rejeté. Le volontarisme de l'actuel chef de l'Etat sur la scène européenne et le couple moteur qu'il forme avec Angela Merkel prouvent son investissement profond pour le projet de Schuman, et rend certaines accusations d' «anti-européanisme» caduques.
Le mode de l'ultimatum, mal perçu, a entouré de peur le projet européen du président-candidat pour la présidentielle de 2012. Mais les mesures proposées, si elles manquent peut-être de fraîcheur, ne sont en aucun cas inquiétantes, et visent au contraire à solidifier la construction européenne, mission que Nicolas Sarkozy a toujours assumé avec conviction.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Nicolas Sarkozy met en péril la construction européenne pour se faire réélire
Parmi les quatre principaux candidats à l'élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy et François Hollande font figure d'européistes. Cette qualification exagérée montre bien la vague actuelle d’euroscepticisme. En effet, loin d'être adressé aux autres Etats membres, le projet européen de Nicolas Sarkozy a pour but principal de séduire l'électorat français.
La renégociation du traité de Schengen pour séduire l'extrême droite
Le 11 mars 2012, Nicolas Sarkozy a lancé un ultimatum. Il exige la renégociation du traité de Schengen sous peine de voir la France imposer un contrôle à ses frontières. Cette façon de faire cavalier seul et de chercher à imposer ses préférences aux autres Etats caractérise ce président impatient et exigeant. Se préoccupant davantage de sa côte de popularité que de la construction européenne, Nicolas Sarkozy choisit de mettre mal à l'aise l'ensemble des États de l'espace Schengen. Son ultimatum pourrait inciter les partenaires européens à se braquer, comme lui-même vient de le faire. C'est compréhensible, cette attitude présente des avantages. En effet, les Français ont ainsi l'impression que leurs peurs xénophobes, et souvent islamophobes, suffisent pour renégocier un traité fondamental de la construction européenne. Cependant, il n'en est rien. Sortir de Schengen serait d'une extrême complexité. Il est évident que cet « ultimatum » n'est qu'un effet d'annonce censé séduire à la fois l'électorat eurosceptique et l'électorat xénophobe. Or il se trouve que, en France, ces deux électorats se recoupent souvent et ont déjà une candidate qui les défend. Elle va même plus loin que Nicolas Sarkozy puisqu'elle veut sortir de l'euro. Il s'agit de Marine Le Pen. En France, ce nom est largement connoté. A lui seul, il évoque la stigmatisation des immigrés. Ces derniers sont accusés de voler l'emploi des Français, de mettre à mal la culture et la cohésion de la société française. Derrière cette annonce se cache donc un clin d’œil à l'extrême droite.
Un contexte inapproprié pour renégocier le traité de Schengen
De plus, renégocier Schengen est très dangereux. Trouver cet accord avait déjà été laborieux. Comment un dirigeant aussi peu diplomate pourrait-il espérer retrouver un accord qui satisferait 26 intérêts nationaux différents ? Il est bien évident que les traités doivent évoluer avec la société européenne. Il serait idiot qu'ils restent figés dans le marbre alors que la situation change. Cependant, le moment doit être choisi judicieusement. Le contexte actuel ne semble pas des plus favorables. L’Europe doit déjà faire face à la crise économique, au dilemme entre élargissement et intégration, à une méfiance croissante des populations vis-à-vis des institutions... Seul une figure forte et consensuelle pourrait mener la renégociation d'un traité en cette période. Nicolas Sarkozy ne saurait conduire qu'à un recul.
L'erreur de s'opposer à la Turquie
Par ailleurs, le président de la République française se dit opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Lui qui craint tant les étrangers, surtout quand ils sont arabes, adopte alors une étrange position. Après avoir fait de nombreux efforts pour convaincre l'Union européenne de son « européanité », la Turquie ne supporte plus l'humiliation de devoir toujours attendre. Elle choisit aujourd'hui d'être un leader pour le monde arabe. A cause des enjeux énergétiques et des nombreux conflits régionaux qu'elle arbitre, la Turquie aurait donné un poids inestimable à l'Union européenne. En s'opposant continuellement à la Turquie, Nicolas Sarkozy devient l'ennemi de nombreux pays arabes. L’Union européenne aurait pourtant davantage besoin d'alliés que de rivaux.
De la rigidité idéologique en économie
Enfin, comme si une politique étrangère irresponsable et une témérité électoraliste vis-à-vis des acquis européens ne suffisaient pas, Nicolas Sarkozy s'autorise des choix économiques idéologiques. Il appartient à la droite française, la famille politique hostile à un trop grand interventionnisme de l'Etat. Il préfère donc ne pas créer d'impôts et limiter les dépenses publiques. Aujourd'hui, les Européens n'osent pas dépenser de peur de manquer d'argent le lendemain. L'Union européenne fait face à une crise de la demande. En toute logique, il faudrait s'attendre à ce que les gouvernements suppléent les populations en augmentant la demande. Rien de plus logique qu'un accroissement des dépenses publiques quand les entreprises sont obligées de produire moins que ne le permettraient leurs capacités. Malheureusement, fidèle à l'idéologie de son parti, Nicolas Sarkozy préfère la rigueur budgétaire et choisit au contraire de limiter les dépenses de l'Etat. Dans le grand débat entre rigueur et croissance, le président français prône la rigueur, quitte à achever des populations déjà à terre. Voilà qui achève le portrait Nicolas Sarkozy, d'abord candidat aux élections présidentielles avant d'être le chef d'un des principaux Etats membres de l'Union européenne.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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