Les Hongrois, entre deux visions de la réalité

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Le fait d’être un pays de petite taille n’empêche pas l’apparition de grands clivages politiques. Les Hongrois, selon qu’ils sympathisent avec la gauche ou avec la droite, donnent une interprétation complètement différente de l’actualité politique.

La Hongrie, le mouton noir de l’Europe

20/10/2013 - 07:07
« Parmi les démocraties européennes ce n’est qu’en Hongrie que le parti majoritaire démocratique diminue le nombre des institutions qui contrôlent le pouvoir et fait obstacle à l’épanouissement des médias » - dit Daron Acemoglu, analyste économique et historien.

Du point de vue historique, la Hongrie est un pays particulier en Europe. Le changement de régime a été mené sans difficulté majeure. Le nouveau système s’est focalisé sur la mise en place de la démocratie et sur le bon fonctionnement de l’économie du marché. En même temps, la Hongrie n’a pas connu de renouvellement absolu de sa classe politique et le changement de système n’a pas donné lieu à l’élaboration d’une nouvelle constitution nationale. Bien que mise en conformitée avec les règles démocratiques suite au changement de 1990, la Constitution hongroise de 1949 était impreignée des traits de la Constitution soviétique de 1936, sur le model duquel elle a été rédigée.

Plus aucune confiance dans la politique

Aujourd’hui, une déception politique générale frappe la Hongrie. Les Hongrois sont devenus indifférents concernant la politique nationale. Ce phénomène est venu suite aux paroles lancées par Ferenc Gyurcsány en 2006, premier ministre socialiste de l’époque. Après son élection, ce dernier a avoué avoir menti pendant toute la campagne électorale. Ce discours a mis le feu à la politique hongroise et à l’opinion publique. Il a contribué au succès électoral du Fidesz en 2010, parti conservateur ayant à sa tête Viktor Orbán, le grand adversaire de Ferenc Gyurcsány. Le fait que ce parti ait obtenu la majorité des deux tiers au Parlement n’a fait qu’aggraver la situation.

Le gouvernement antidémocratique du Fidesz

Depuis l’avènement au pouvoir de Viktor Orbán, la déception dans la politique hongroise continue à toucher le pays. Le Fidesz, dépositaire d’une majorité absolue, rend difficile l’existence et l’activité des partis politiques concurrents. Il utilise son pouvoir pour affaiblir les institutions démocratiques qui devraient contrôler le pouvoir exécutif.

Depuis 2011, le contrôle politique des médias en Hongrie est un débat politique tant au niveau national qu’au niveau européen. Cela s’est illustré notamment avec la loi sur les médias qui a suscité les critiques de la Commission Européenne. Etablie par la nouvelle loi, l’Autorité des médias a le droit d’accès aux documents de presse avant leur publication. Les journalistes peuvent être contraints de communiquer leurs sources au motif de la sécurité nationale ou de la protection de l’ordre public. Cette législation est considérée par beaucoup de pays démocratiques comme liberticide.

Gagner en modifiant les règles du jeu

En 2011, cette majorité de droite a non seulement élaboré une nouvelle Constitution conformément à ses idées, mais elle a également élaboré une nouvelle loi électorale qui change les règles du jeu des prochaines élections. L’une des astuces du gouvernement actuel pour remporter les élections de 2014 a été d’accorder la nationalité hongroise et, par conséquent, le droit de vote aux minorités hongroises vivant dans les pays voisins de la Hongrie. Or, il est attendu que les personnes ayant bénéficié de cette mesure voteront pour le Fidesz. En effet, l’acquisition de la nationalité hongroise comporte de nombreux avantages. Les citoyens qui n’étaient, jusqu’ici, que des ressortissants des pays non membres de l’Union Européenne, tels que la Serbie, ont désormais accès aux mêmes droits que tous les citoyens européens. L’acquisition de la nationalité hongroise passe par une procédure administrative simplifiée : par exemple, il n’est même pas requis de maîtriser parfaitement le hongrois.

En revanche, les démarches nécessaires aux Hongrois ayant quitté la Hongrie pour pouvoir participer aux élections sont très compliquées : par exemple ils leur est presque impossible de voter depuis un pays étranger. Le gouvernement aurait-il peur de la voix des électeurs qui ont préféré ne pas bénéficier de la politique du Fidesz en abandonnant le territoire hongrois ?

Alors que les élections approchent, la Hongrie s’éloigne de l’idée européenne. Le pays se retrouve dans une « piège démocratique » . Pourrait-il s’en sortir lors des prochaines élections nationales ?

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

La Hongrie, le corbeau blanc de l’Europe

20/10/2013 - 19:07
La politique du gouvernement de Viktor Orbán est souvent jugée bizarre et dangereuse. L’examen du contexte politique permet de comprendre qu’elle est en réalité indispensable et courageuse.

"Rare comme le corbeau blanc" – dit une ancienne expression hongroise. La politique menée par le gouvernement hongrois est effectivement unique en Europe. Observée de l’extérieure, elle peut paraître bizarre et dangeureuse. Même une partie des Hongrois partage cette opinion, tandis que l’autre partie voit dans le gouvernement de Viktor Orbán le changement tellement attendu après une transition démocratique défaillante. Il s’agit d’une part non négligeable des électeurs hongrois qui a doté le Fidesz-KDNP, l’alliance de parti gouvernementale de centre-droite, d’une majorité de deux tiers au Parlement lors des élections de 2010. A l’aube des élections législatives du printemps 2014, le Fidesz-KDNP arrive toujours à la tête des sondages d’opinion. Voici la recette de son succès.

La confiance perdue

Depuis 2006, la Hongrie souffrait d’une crise à la fois économique, politique et morale. L’économie hongroise était en crise bien avant que la crise mondiale ait éclatée en 2008. Le pays n’a pu éviter la faillite que grâce à un prêt de sauvetage du FMI. Après sa réelection, le premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsány a prononcé un discours à huis clos devant une réunion de son parti dans lequel il a reconnu « avoir menti pendant deux ans le matin, le soir et la nuit » pour pouvoir garder son pouvoir. Par la suite, des manifestations telles qu’on n’en avait jamais vues ont eu lieu en Hongrie pour réclamer la démission du gouvernement. Pourtant, le parti au pouvoir restait en place et les défauts du changement du régime de 1990 sont devenus de plus en plus évidents. L’absence de rupture totale avec l’élite politique de l’époque communiste a empeché l’assainissement de la vie politique. Le capitalisme sauvage caractérisé par des mouvements de privatisation douteux et entouré de corruption a causé des dommages notables à l’Etat. Le renforcement de l’extrême droite sous les gouvernements socialistes de Gyurcsány et de Bajnai était le symptôme le plus apparent des tensions sociales et de la perte de confiance de la population en la politique. Le Fidesz-KDNP a remporté les élections avec une majorité de vote extraordinaire parce qu’il était le symbole du changement.

L’espoire rendu : la guerre d’indépendance économique

Investi en tant que premier ministre en 2010, Viktor Orbán a opté pour une politique sans tabou. Dès le tout début il a refusé de continuer la politique de restriction menée par ses prédécesseurs. Il a évité de frapper la population d’impôt direct et a ramené le taux d’impôt sur le revenu à 16% pour permettre de relancer l’économie. Dès sa première année de gouvernement, il a préféré faire imposer les banques et les plus grandes entreprises multinationales qui disposaient des avantages fiscaux considérables depuis l’ouverture du marché dans les années 1990. Dernièrement, la charge d’impôts sur des entreprises de télécommunications ou des transactions bancaires frappent, en partie, également la population, les imposés directs ayant transféré une partie de la charge à leurs clients.

Pourtant, Viktor Orbán et le Fidesz sont toujours des acteurs crédibles d’une lutte pour une plus grande indépendance de la vie politique par rapport aux pressions du lobbying économique. Cette image est renforcée par le fait que depuis décembre 2012, les Hongrois ont vu baisser leur facture d’électricité de 10% au détriment du profit des entreprises d’énergie. Parallèllement, l’Etat hongrois tend également à reprendre ses participations dans des entreprises stratégiques pour rétablir la souveraineté nationale.

Le Fidesz mène une politique crédible de guerre d’indépendance économique. Cette politique permet d’une part de couper l’herbe sous le pied de l’extrême droite. D’autre part, il s’agit également d’une politique réaliste et indispensable. Bien que les mesures du gouvernement puissent être critiquées, l’effort de Viktor Orbán de rompre avec les mauvais usages des 25 dernières années, sans hésiter de prendre en face tous les conflits d’intérêts inhérents, doit être reconnu.

Il est vrai que le gouvernement n’hésite pas non plus d’entrer en conflit avec Bruxelles afin de mener à bien sa politique, mais il n’a non plus jamais envisagé que la Hongrie quitte l’Union Européenne. L’approche du gouvernement hongrois vis-à-vis de l’Europe est celui d’un adolescent qui se révolte de temps en temps contre sa famille afin qu’il puisse en devenir un membre de droit égal. N’est-ce pas une attitude nécessaire pour la survie dans un monde moderne où règne le libre jeu de la concurrence et où les plus faibles sont voués à l’échec ?

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

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