Toucher ou pas aux droits de l'homme et des minorités nationales ?
Maltraitance des droits de l'homme et des minorités nationales
Le premier mandat de Robert Fico (2006-2010) en tant que chef de gouvernement n’avait déjà pas laissé de bonnes impressions pour ce qui concerne les droits de l'homme et les minorités nationales. Entré en coalition avec , Fico s'est apparemment bien inspiré de ce parti. A titre d’exemple, on rappellera le total manque respect des droits des minorités nationales par la loi du 25 mai 2010 interdisant la double nationalité, qui a littéralement privé de leur citoyenneté slovaque tous les multinationaux du pays.
Une attitude ambiguë envers le secteur non gouvernemental et les minorités nationales
Malgré les apparences, M. Fico n'a pas changé ses mœurs alors que son parti détient seul le . Actuellement, il semble suivre l'exemple hongrois et se montre négligeant envers les ONG et les associations de défense des droits de l'homme et des minorités en particulier. Ainsi, lorsqu’il a invité les syndicats et les universités à la table des négociations pour discuter du contenu de son Mémorandum, il a pour certaines raisons oublié d’inviter les organisations non-gouvernementales, qui avaient toutes de puissants arguments contre la suppression de ce poste.
Une mesure sans fondement
Selon M. Fico, la fonction de vice-président du Gouvernement chargé des droits de l'homme et des minorités nationales a été instituée par le gouvernement de coalition uniquement pour des raisons politiques, pour que les partis politiques la constituant aient davantage de postes à se partager. Cependant, cette fonction existait déjà en 1998, et si M. Fico la considère comme complètement inutile, il convient de rappeler qu'il ne l'a pas supprimée au cours de son premier mandat à la tête du gouvernement (2006-2010).
Certains observateurs politiques arguent que la suppression de ce poste en tant que tel ne serait pas forcément un problème en soi. Si cette suppression s'inscrivait dans une véritable réforme visant à mieux répondre à la complexité des enjeux du domaine des droits de l'homme et des minorités nationales, il n'y aurait pas lieu de lui reprocher quoi que ça soit. Malheureusement, ce n'est pas le cas.
Volonté d'affaiblir les droits de l'homme
Au lieu de mettre en place des réformes élaborées et abouties, M. Fico a préféré une solution simple et a décidé de séparer l'agenda des droits de l'homme et des minorités nationales en deux, et d'en donner une part au ministère de l'éducation, une autre au ministère des affaires étrangères, et ce le reste au ministère de la culture.
Or, il est clair que la complexité et l'importance de cette thématique mériteraient qu’on lui consacre un ministère à part entière : se contenter de lui affecter les quelques sujets relevant des compétences des ministères cités ne serait que trop réducteur. Le transfert des pouvoirs dans le domaine des minorités nationales au ministère des affaires étrangères est un acte a haute portée symbolique : il revient à traiter les minorités comme un sujet de la politique extérieure et de nier toute volonté de les intégrer et de les protéger.
De plus, la décision de Fico ignore l'état actuel des ministères, qui ne sont structurellement pas prêts pour assumer la gestion de cet agenda; ils manquent cruellement d’expérience et de personnel qualifié. Cette décision de M. Fico montre bien que les droits de l'homme ne sont vraiment pas sa priorité. Si sous son gouvernement social-démocrate les politiques sociales ont échappé aux coupes budgétaires, ce n'est pas le cas pour des sujets tels que la protection des droits de l'homme et des droits des minorités nationales. Ces derniers sont soumis à ses fantaisies, sans qu’il soit tenu compte des impacts à long terme et les nécessités de réformes structurelles.
Ou alors, cette décision est peut-être prise en toute connaissance de cause. Il est possible que M. Fico n’ignore rien des conséquences de la suppression du poste de vice-président du gouvernement chargé des droits de l'homme et des minorités nationales, l’une des plus importantes étant l'affaiblissement de la protection de droits de l'homme et des minorités. Leur garantie est pourtant un indicateur essentiel de la qualité de la démocratie. Mais qui se soucierait de sa dégradation en Slovaquie, au moment où de l’autre côté du Danube est en train de se mettre en place un régime de plus en plus autoritaire ?
Ainsi, Robert Fico pourrait à nouveau remercier à ses homologues hongrois. Ces derniers lui ont durant son premier mandat permis de gagner en autorité en jouant à fond la carte nationale. En 2012, Robert Fico étend son emprise, caché dans l'ombre de Viktor Orbán.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Une mauvaise interprétation de la protection des droits de l’homme
Depuis l’indépendance de la Slovaquie, la question minoritaire demeure une problématique sensible qui anime la scène politique intérieure et les relations internationales. Elle caractérise notamment la période du gouvernement Fico I, le premier sans représentation hongroise dans la coalition. Etant donné l’absence des partis hongrois et leur fort mécontentement, le moindre changement législatif était dénoncé à l’international.
La longue histoire de politiques standards mais contestées
Un exemple assez révélateur est celui de la loi sur la protection de la langue nationale, instaurant l’obligation de bilinguisme des inscriptions, des tableaux dans les communes avec les minorités. Cette loi avait pour objectif que le citoyen ne parlant pas la langue d’une minorité arrive à comprendre et à se faire comprendre sur le territoire de son pays. Conforme aux standards européens, elle a pourtant été dénoncée comme menaçant les minorités, une interprétation démentie par la Commission vénitienne.
Rappelons-nous cependant l’affaire relative à la loi de Viktor Orbán sur la double-citoyenneté, sans précédent dans l’histoire du droit international. L’acquisition de la citoyenneté sur des seuls critères ethniques, en fonction des « ancêtres », sonne comme un avertissement au regard de l’histoire de la région. La réaction de Bratislava, qui a modifié sa loi sur la citoyenneté, désormais unique, leur est reprochée par les Hongrois, alors qu’elle s’apparente aux lois d’autres pays européens en la matière. Au regard de cette histoire récente, le silence de nos voisins hongrois montre donc clairement que cette pseudo affaire de poste de vice-président est sans importance.
Un changement logique qui améliore la protection des droits des minorités
La décision prise de repenser le poste du vice-président du Gouvernement chargé des droits de l'homme et des minorités nationales provient des circonstances actuelles. Des problèmes tels que la crise économique et celle de la zone euro ou le chômage qui a atteint les 13,7%, sont à l’ordre du jour. Ainsi, le poste est désormais « remplacé » par un vice-président du Gouvernement pour l’économie et les finances. Son rôle sera notamment la coordination des grands projets d’investissement qui constituent la base du programme de relance de Fico. Quant aux priorités, le premier ministre slovaque ne saurait être davantage en accord avec le nouvel président français M. Hollande.
Mais la question des droits des minorités n’est pas pour autant marginalisée. Déjà, l’agenda de ce poste sera entièrement conservé et donc la mesure ne nuira en rien aux droits des minorités. Il est vrai que cette agenda sera désormais réparti : la culture et les langues des minorités appartiendront au Ministère de la Culture ; la protection des minorités slovaques au Ministère des Affaires Étrangères. Une telle insertion au sein des ministères n’est-elle pas le meilleur témoignage de la volonté d’une intégration accrue ? Ajoutons à cela qu’un poste de Procureur spécial pour les droits des minorités sera créé. Celui-ci ne s’occupera que de la surveillance de la question du traitement des minorités : celles-ci obtiennent donc un fonctionnaire qui leur est totalement dédié. Ce qui est d’autant plus vrai que Fico entend d’offrir ce poste à l’opposition, voire au parti hongrois du Parlement. Se placer volontairement sous un tel contrôle constitue un geste sans précédent, dans la mesure où l’ancien vice-premier ministre aurait nécessairement été membre de la majorité socialiste. Ainsi, la Slovaquie accorde une attention toute particulière à la protection des droits de minorités. En effet, jamais aucun pays européen n’a consacré tout un ministère à cette thématique.
En outre, il convient de rappeler que la création d’un tel ministère serait contraire à l’objectif fixé par le SMER (actuellement au pouvoir) de réduire fortement les dépenses de l’Etat. C’est d’ailleurs dans cette optique qu’il est prévu de fusionner certains ministères : la Défense et avec l’Intérieur, la Culture et l’Éducation, et les Affaires Sociales avec la Santé. C’est donc bien dans ce contexte d’efficacité accrue que s’insère aussi le remplacement du poste de vice-président par le Procureur spécial.
Une contestation sans fondement mais des motivations sous-jacentes
Naturellement, il ne reste qu’à s’interroger sur les objets des mécontentements. Après l’annonce de la création de la charge de Procureur spécial pour les droits des minorités, le nombre d’opposants a fortement diminué. Ceux qui restent sont surtout issus d’organisations non-gouvernementales habituées au flux de subventions de la part de l’ancien vice-président. Mais même celles-ci adoptent un ton modéré, après la garantie que l'État continuera les versements. Après la période de flottement liée à la réorganisation du pouvoir, le nouvel Procureur va s’en charger. Le domaine des droits de l’homme ne se trouve pas menacé non plus, étant donné que le Conseil gouvernemental pour les droits de l’homme, les minorités nationales et la parité n’a pas vu ses activités remises en question.
Si certains observateurs politiques remettent en cause la décision de remplacer le vice-président par le Procureur, c’est par ce qu’ils y voient la volonté de Fico de diviser l’opposition. Ou plutôt d’ajouter à celle-ci encore un sujet de querelle dans une atmosphère d’échec et de chaos. Proposer un poste de contrôle à un parti de l’opposition suscite le mécontentement des autres, et contribue à l’approfondissement de la crise de la droite slovaque.
A part des questions purement partisanes, des spécialistes comme Pavel Kárász (économiste de l'Académie slovaque des Sciences) replacent cette décision dans le cadre des nouvelles orientations de Fico. Confronté à la responsabilité d’un gouvernement à parti unique, il essaye de mettre en place des garanties et des mécanismes du contrôle. Conscient de l’intense surveillance publique dont il fait l’objet, il a également confié à l’opposition les postes de directeurs du Bureau suprême de contrôle et du Bureau de passation des marchés publics.
Ainsi, Fico prend garde à ne pas outrepasser les cadres constitutionnels et les usages européennes en termes de droits de l’homme et des minorités. Etant donné son exposition aux observateurs nationaux et internationaux, il n’a aucun intérêt à se livrer à la merci des critiques. Cette tendance ne saurait être mieux illustrée par ce remplacement du vice-président par le Procureur.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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