Quel avenir pour la coopération franco-hongroise ?

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Ce jeudi 12 Octobre et ce vendredi 13 Octobre, la Ministre française chargée des affaires européennes, Madame Nathalie Loiseau, s'est rendue à Budapest pour rencontrer des représentant du gouvernement hongrois. Elle a été accueillie par le Secrétaire d’État aux Affaires Européennes, Monsieur Szabolcs Takács, ainsi que le Ministre hongrois des Affaires étrangères, Monsieur Péter Szijjártó et le ministre de la Justice de Hongrie, Monsieur László Trócsányi. L'occasion pour la Ministre française de dresser une feuille de route pour le futur de la coopération franco-hongroise.

Enfin une main tendue par la France à la Hongrie!

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14/10/2017 - 01:34
Ce vendredi 13 Octobre, au sein de la bibliothèque de l'université hongroise d'ELTE, la Ministre, Nathalie Loiseau, a prononcé un discours devant des étudiants, des journalistes, et des représentants de la France et de la Hongrie. Ce discours fondamentalement pro-européen, en dessinant les contours d'un futur positif et plus coopératif entre la France et la Hongrie, a ainsi marqué un tournant de la coopération franco-hongroise.

Les visites officielles de représentants français en Hongrie sont bien rares, ainsi celle de la Ministre chargée des affaires européennes s'avérait tout aussi inédite que prometteuse. La conférence donnée par cette dernière à ELTE se devait alors d'être un des points d'orgue de cette visite, et elle en fut un indéniablement. La ministre a souhaité délivrer, devant un auditoire composé en grande majorité de Français, un message d'espoir quant à l'avenir européen. Le message est clair : la réponse aux enjeux internationaux actuels, comme la crise migratoire, ou le terrorisme, ne peut-être qu'européenne. Selon Nathalie Loiseau, l'avenir de l'Europe est l'avenir de chacun des Etats-membres, et c'est à eux de consentir à un effort collectif en faveur du projet européen, car seule une « Europe réformée » pourra répondre aux immenses défis de notre siècle. Point sur lequel Emmanuel Macron et Viktor Orban se rejoignent, tous deux souhaitant une réforme de l'Union Européenne.

La France et la Hongrie, futurs réformateurs de l'Europe ?

La Ministre chargée des affaires européennes a déclaré que l'Union européenne doit se réformer pour devenir une « Europe souveraine, unie, et démocratique ». Ce faisant, elle a tenu à souligner que la France ne veut pas « décider » des moyens de réformer mais seulement « proposer », pour aboutir à un compromis avec les autres États-membres, y compris la Hongrie.

La France souhaite construire une Europe souveraine, c'est-à-dire une Europe protectrice de ses citoyens et assurant leur sécurité, face par exemple à la menace terroriste, comme l'a expliqué Nathalie Loiseau. Cette dernière a sur ce point lancé un appel sans équivoque à la Hongrie. En effet si des avancées ont été faites en matière de défense européenne (ex : création d'un fond européen de défense), la France espère aller plus loin, et favoriser la création d'une armée européenne, ce à quoi la Hongrie s'était montrée favorable par le passé. La ministre a ainsi ouvert la porte à de futures discussions avec ses homologues hongrois sur ce sujet, et a surtout émis l'espoir que la Hongrie puisse soutenir la France au niveau européen pour la création d'une telle armée. Elle a ensuite ajouté qu'une Europe souveraine serait une Europe qui serait en mesure de répondre à la crise migratoire, et qui ne laisserait pas reposer la gestion des flux sur quelques Etats-membres. Si ce message semblait destiné principalement à l'Espagne, l'Italie, et la Grèce, il est aussi probable que la Ministre avait en tête la gestion des flux à la frontière serbo-hongroise. 

Par ailleurs, la protection des citoyens européens doit également se faire sur le marché européen pour la représentante du gouvernement français, qui a ici aussi tendu la main à la Hongrie. Ainsi, la Ministre a insisté sur la nécessité de réformer la Politique Agricole Commune en étroite collaboration avec la Hongrie, pays partageant tout comme la France un intérêt majeur pour l'agriculture. De plus, elle a ajouté qu'aucun Etat-membre ne peut accepter que sur le marché européen des mêmes produits, mais de différentes qualités, puissent être commercialisés, apportant indirectement son soutien aux pays d'Europe Centrale, après le scandale qui a éclaté autour de la qualité des produits alimentaires, en Hongrie notamment.

La France veut aussi créer une Europe unie. Nathalie Loiseau a indiqué que cela passera par la convergence progressive de l'ensemble des Etats-membres tant sur le plan économique que sur le plan social, avec comme mesure phare la réforme de la directive européenne sur les travailleurs détachés. Cette réforme est ardemment voulue par le président Macron, qui en a d'ailleurs fait la promotion lors de son récent périple en Europe Centrale. Cependant, la Ministre a insisté sur la nécessité de trouver le compromis le plus juste quant à cette directive, et a félicité les dirigeants hongrois pour leur engagement en faveur de la réforme de celle-ci, depuis qu'ils ont pris la présidence du groupe Visegrad.

Enfin, la dernière partie de la réforme européenne souhaitée par la France serait la construction d'une Europe plus démocratique. Ceci est une réelle préoccupation pour les Hongrois, attachés à leur liberté, eux qui ont beaucoup souffert par le passé. La Ministre a alors formulé l'espoir que la Hongrie puisse voir d'un bon œil la proposition faite par Emmanuel Macron visant à mettre en place des conventions démocratiques, avec par exemple la consultation directe de l'ensemble des citoyens européens. Par le biais de sa Ministre, la France a ainsi émis le souhait de coopérer davantage avec la Hongrie, et de renforcer les liens « historiques » entre ces deux pays, ce qui marque une avancée significative.

Un discours nouveau à l'égard des habituels « vilains petits canards » de l'Europe

Au-delà des appels à davantage de coopération avec la Hongrie, la Ministre a tenu un discours nouveau envers les pays d'Europe Centrale, très souvent critiqués. Certes Nathalie Loiseau a émis quelques critiques déguisées envers la Hongrie en précisant que l'Europe ne doit pas devenir « un bouc-émissaire », et qu'aucun Etat-membre ne peut laisser « l'Europe malade » sans réagir. Elle a aussi ajouté concernant la crise migratoire que « l'humanité fait aussi partie des valeurs chrétiennes ».

Néanmoins, un certain réalisme politique semble avoir pris le pas sur la critique pure et simple des États d'Europe Centrale. En effet, la Ministre a précisé qu'il était compréhensible, qu'en des temps de troubles, les « peuples européens aient des doutes ». Elle a même insisté sur la nécessité de respecter les interrogations, légitimes parfois, de ces derniers. Par ailleurs, si l'objectif français est de faire avancer l'Europe à « 28 aujourd'hui et à 27 demain », Nathalie Loiseau a reconnu que les volontés des Etats-membres devaient être respectées, et que ceux qui souhaitaient coopérer davantage dans certains domaines devaient pouvoir le faire. Elle a expliqué qu'il fallait « laisser avancer les avant-gardes », capables peut-être de créer une dynamique en faveur du projet européen. 

La chargée des affaires européennes en France a cependant exclu la création d'une Europe à deux vitesses, indiquant que l'objectif commun doit rester la convergence de tous les Etats-membres. Si l'on lit entre les lignes, une Europe à plusieurs vitesses semble pourtant apparaître pour la France comme une solution temporaire pour que le projet européen puisse progresser. Le pragmatisme politique d'Emmanuel Macron semble ici dominer, et un message positif est envoyé à l'ensemble des dirigeants européens. Ainsi au lieu de délivrer des critiques à l'égard de ceux qui ne sont pas prêts à aller plus loin dans l'intégration, la France semble accepter que la construction européenne puisse se faire à un rythme différent selon les États ; à l'exception du marché unique et de l'état de droit, pour lesquels il ne peut y avoir plusieurs vitesses, comme l'a souligné Madame la Ministre.

Ici il existe un double discours du gouvernement français, à la fois pour et contre une Europe à deux vitesses, qui entretient un certain flou regrettable. Pour autant, il convient de saluer la décision française de respecter les choix de ses homologues européens. La France en effet tend clairement la main à la Hongrie, tout en souhaitant en parallèle continuer à réformer l'Europe, avec ou sans elle. Ainsi le gouvernement français participe à refaire de l'Europe un espace de débat entre l'ensemble des Etats-membres. A ce propos, Nathalie Loiseau a rappelé l'importance accordée par le Président français au maintien de relations avec le groupe de Visegrad, considérant que ces formats de coopération entre plusieurs Etats-membres font vivre le projet européen. 

S'il ne faut pas être naïf quant à l'intervention de la Ministre française chargée des affaires européennes, son discours, prononcé à l'université ELTE à Budapest, étant policé par le traditionnel langage politico-diplomatique, celle-ci a le mérite d'être une évidente première main tendue par la France envers la Hongrie, ce qui demeure un signe encourageant pour l'avenir de la coopération franco-hongroise.

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

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