Le précieux retour d’expérience de l'industrie fiduciaire
Baskets « Adadas », jeans « Lewis », montres « Rotex » … Il arrive que la contrefaçon visible sur les marchés africains ou asiatiques pour touristes prête à sourire, tant elle semble se prendre peu au sérieux. Les cas cités restent des contrefaçons « honnêtes » puisqu’elles ne tromperont pas le consommateur un minimum lucide. Celles qui se revendiquent comme le produit original sont d’un autre ordre. Mais si le touriste occidental est suffisamment crédule pour croire qu’on peut acheter une véritable montre Cartier ou un sac Vuitton dans un souk libanais pour 5% de son prix réel, alors les faussaires à la petite semaine ont de beaux jours devant eux.
La contrefaçon n’épargne aucun secteur. Punit sévèrement par la loi (au passage en douanes) dans tous les cas, la contrefaçon de vêtements ou d’articles de luxe ne présente pas, malgré tout, la dangerosité d’autres types de contrefaçons : faux médicaments, fausses plaquettes de freins, faux produits électroniques élaborés en dehors de toute norme de sécurité, alcools frelatés… Des pièces automobiles aux médicaments en passant par les billets de banque, la contrefaçon pratiquée parfois à échelle industrielle peut mettre en péril des entreprises (Lacoste perdait un temps plus de 5% de son CA annuel du fait de la contrefaçon), fragiliser une économie, voire provoquer des décès. L’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle (UNIFAB) a ainsi récemment remis au ministre Michel Sapin un rapport sur les liens avérés entre terrorisme et contrefaçon. Selon les Yeux du Monde, certains mouvements terroristes, aux abois financièrement, se tourneraient ainsi vers le piratage de DVD pour trouver des sources de revenus.
Au niveau mondial, la contrefaçon représente un revenu global de 300 milliards d’euros, qui bien évidemment ne passent jamais pas aucune administration fiscale et ne tombe que très rarement dans les poches de philanthropes. Le seul secteur des maroquiniers et bijoutiers européens accusent le coup avec 3,5 milliards d’euros de manque à gagner. En France, la contrefaçon représente une perte sèche de 6 milliards d’euros par an. Et le phénomène n’est pas prêt de disparaitre : le nombre de contrefaçons saisi est en augmentation constante depuis plusieurs années. En cause : l’explosion des achats sur internet, le web étant un grand pourvoyeur de biens contrefaits. Même les sites internet de marque sont contrefaits, à l’image de l’arnaque aux lunettes Ray-Ban qui a circulé un temps sur Facebook. Seul domaine dans lequel la contrefaçon marque le pas depuis plusieurs années : la contrefaçon de billets de banque. Mais il est vrai que sur ce sujet, l’industrie fiduciaire n’est pas née d’hier : si la contrefaçon de logiciel est une nouveauté relative, la contrefaçon de billets est une activité séculaire. L’expérience accumulée par les imprimeurs fiduciaires dans la lutte contre ce fléau est considérable.
Culture de protection et technologies
Première condition pour une lutte efficace contre la contrefaçon : accepter la réalité et prendre à bras-le-corps le phénomène. En la matière, l’impression fiduciaire est plus que lucide : « Notre métier a ceci de particulier que nous ne devons pas seulement conserver une longueur d’avance sur nos concurrents mais également sur les contrefacteurs et les faux-monnayeurs contre lesquels nous sommes engagés dans une véritable course de vitesse », explique Thomas Savare, directeur général d’Oberthur Fiduciaire, imprimeur de billets de banque français. Les tentatives de contrefaçons sont presque aussi vieilles que les billets eux-mêmes. La lutte contre la possibilité de falsification des produits est donc inhérente à la conception du produit.
En sus du contrôle et d’une sélection rigoureuse des fournisseurs et de la « matière première », l’industrie fiduciaire ne peut perdurer que sur la base d’un R&D intensive, raison pour laquelle la plupart des billets de banque sont renouvelés régulièrement, à l’image de ce qui est en cours pour les euros. D’une génération de billets à l’autre, tout ou presque est modifiée, parfois de façon imperceptible. Encres, papiers, motifs, formats, technologies… tout change ou presque mais toujours dans le même but : protection, traçabilité, durabilité et acceptabilité (par les populations qui devront se l’approprier). Le but est d’avoir en circulation des billets incorporant les derniers raffinements de technologies. Et en matière de technologies l’impression fiduciaire sait de quoi elle parle. « L’impression fiduciaire et de sécurité est une activité industrielle à très fort contenu technologique. Certes, la monnaie papier existe déjà depuis des siècles mais les billets d’aujourd’hui n’ont presque plus rien de commun avec ceux de jadis ni même avec ceux mis en circulation voici quelques années. Ce sont de véritables condensés de technologie et le fruit d’une innovation permanente », insiste le DG d’Oberthur Fiduciaire.
Sauf que « technologies » rime très souvent avec « prix », dans l’imaginaire collectif. Ce n’est donc pas sans raison est vrai qu’Oberthur Fiduciaire investit plus de 5% de son CA en R&D : « Nous déposons régulièrement de nouveaux brevets couvrant les technologies que nous mettons en œuvre, en particulier dans deux champs de R&D : la sécurité (avec les technologies anti-scanner ou les patchs à effets optiques par exemple), et la durabilité du billet de banque », confirme Thomas Savare.
Malgré un prix unitaire tournant autour de la dizaine de centimes d’euros, chaque billet de banque incorpore plusieurs dizaines de technologies anti-contrefaçons différentes et complémentaires et au moins autant de procédés : embossage dynamique, héliographie, flexographie, hologrammes, filigranes, bandes magnétiques et, désormais, nanotechnologies… Quatre critères sont déterminants pour l’imprimeur français : qualité du design, technologies de sécurité intégrées, durée de vie du billet et composition. Thomas Savare évoque à ce propos un « travail en profondeur, sur la matière ». De plus en plus complexes, les billets d’Oberthur Fiduciaire sont d’ailleurs de plus en plus résistants avec des durées de vie atteignant cinq ans pour certains billets. Lorsque l’on connait les outrages que subissent les billets dans nos poches, cela relève de l’exploit technologique…
Certes, l’arsenal utilisé pour les billets de banque, instruments de la souveraineté d’un Etat, ne sont pas forcément déclinables ou pertinents pour tous les produits (pensons aux biens « virtuels »). Mais les principes de la protection inhérents à l’impression fiduciaire commencent à intéresser. L’industrie fiduciaire est par exemple sollicitée pour la sécurisation et la traçabilité des tickets pour des évènements sportifs ou artistiques : il s’agit à la fois de sécuriser les diverses manifestations (meilleure traçabilité, lecture de métadonnées d’identification…), mais aussi d’éviter le recours à la revente au marché noir ou aux faux tickets.
S’il y a une leçon à retenir de l’expérience accumulée par l’industrie fiduciaire, selon Oberthur Fiduciaire, c’est celle de la prévention, permanente et systématique : agir en amont, pour prévenir la contrefaçon, grâce aux technologies ou au savoir-faire, plutôt que de la subir en réaction. Gardons à l’esprit que nous ne connaissons de la contrefaçon que ce qui est saisi. Le reste est affaire d’estimation… et de résignation, pour l’instant.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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