Les universités polonaises à la croisée des chemins
Constitution pour les sciences : un adieu à l’éducation
L’instruction nationale est depuis toujours un défi pour tous les régimes politiques. Personne ne remet en question le fait que la façon dont une société pétrit l’esprit de ses générations futures a un impact énorme sur son évolution. Dans le monde occidental, l’éducation est quasi-exclusivement confiée aux universités. Par conséquent, l’influence que doit avoir la politique dans l’éducation supérieure devient une question clé. Même Karl Marx avait posé la question : « Qui est-ce qui se chargera de l’éducation des enseignants ? » précisant que les idées qui dominent l’éducation supérieure s’imposeront éventuellement dans la société entière. Les politiciens polonais doivent désormais faire face à ce même problème.
L’éducation au service de l’économie ?
”Je souhaite mettre la réforme de l’éducation supérieure et la science en corrélation avec le plan du premier ministre Morawiecki. Sachant que son objectif est la mise-en-place d’une économie innovative, les universités devront produire des recherches innovantes, ainsi que former des travailleurs innovateurs” – a dit Jarosław Gowin, ministre de l’éducation supérieure et des sciences. Selon quelques publications de la presse, les universités auront à chercher des fonds externes et à devenir ainsi les départements R&D (de recherches et de développement) externalisés des plus grandes sociétés. Par ces mesures le gouvernement envisage lier plus étroitement les universités aux agents économiques.
Considérant les faits ci-dessus, c’est bien difficile de ne pas avoir l’impression que l’éducation supérieure sera soumise à l’économie. Son objectif n’est plus d’encourager les étudiants à développer leur esprit critique, mais de gagner des avantages compétitifs dans l’économie moderne. Cette approche n’est d’ailleurs pas du tout innovante, car elle est déjà très répandue dans le monde dit ”développé”. Les chercheurs occidentaux sont poussés à vouer leurs carrières à des recherches qui seront bénéfiques tant pour les universités, que pour les partenaires économiques.
Des leçons de la part des Grecs anciens
Mais est-ce la raison pour laquelle les universités ont été créées ? Une des philosophes les plus brillantes du 20-ème siècle, Hannah Arendt a rappelé que le mot ”école” retrouve son origine dans le mot grec ”skhole », qui veut dire « temps libre primaire » et « libération de l’activité politique ». En effet, la signification de ce mot était beaucoup plus profonde. ”Skhole” était un état d’esprit, une condition dépourvue d’inquiétudes et de préoccupations. De cette manière, pour être réellement scolarisé, on devait prendre une distance par rapport aux affaires triviales, et à tous les aspects de ce monde. Par conséquent, l’économie devrait être la dernière chose pour laquelle les étudiants devraient se soucier.
Quelle est la leçon que l’on doit apprendre des Grecs anciens? Cela va de soi que les universités ne peuvent pas s’émanciper des réalisations économiques et culturelles. Les étudiants et les universités doivent tous les deux avoir conscience de ce que le marché du travail leur exige. Cependant, il n’est pas question d’oublier que les ”travailleurs innovateurs” dont le ministre Gowin parlait ne sont pas uniquement des ingénieurs, des programmeurs ou des neurobiologistes. Ils sont aussi des citoyens. Le défi majeur auquel les réformateurs ont à faire face est de réconcilier la formation professionnelle et l’éducation. Leur réussite ou défaite, si j’ose à dire, définira peut-être le statut de la Pologne dans les décennies à venir.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Éducation et business s’allient – un défi pour l’innovation
Un des objectifs principaux de la nouvelle loi sur l’éducation supérieure et de ses mesures est de créer un environnement plus favorable pour la coopération entre les universités et l’industrie. Juste pour citer deux de ces mesures novatrices, les doctorats industriels et les fonds de capitaux à risque créés au niveau gouvernemental fonctionnent déjà.
La coopération entre les universités et l’industrie en termes de recherche et développement devrait être une des bases de l’activité scientifique menée par une université, surtout dans le domaine des sciences appliquées. Cela ne veut pas dire qu’il faudrait abandonner la recherche basique puisqu’on sait jamais ce qui pourra être applicable d’une manière pratique dans un futur proche ou lointain, et cela nous permet de comprendre davantage le monde dans lequel on vit. Cela veut simplement dire qu’il serait nécessaire de trouver un modèle de coopération universités-industrie qui serait bénéfique et convenable pour les deux. Cela semble être le seul moyen de créer une industrie innovatrice.
Le problème principal : des attentes différentes
Ce qui a été dit à plusieurs reprises avant est toujours valable. Le souci principal de la coopération entre le « business » et l’éducation c’est que tous les deux ont des attentes divergentes. Pendant que le « business » fonctionne avec un temps et un budget réduit, l’éducation a tendance à ne pas les juger déterminant, surtout le dernier. Pour les chercheurs, leur production doit avoir une valeur scientifique et doit être publiable, ce qui correspond au KIP (Key performance indicator, c’est-à-dire indicateur clé de la performance) à partir duquel ils sont évalués. Et le patrimoine intellectuel, qui est d’une importance majeure pour l’économie, sera largement accessible après la publication (bien sûr, ce problème peut être résolu par des brevets d’invention mais premièrement il est impossible de tout protéger par ces brevets et deuxièmement tout le processus prend du temps). En plus le nombre des étudiants qui restent dans la recherche pour faire un doctorat est en nette baisse. Les étudiants n’envisagent plus leur carrière au sein des universités. Et cela nous ramène à la question posée au tout début. Même si un système législatif parfait est introduit, tant que les agents auront tendance à vouloir garder leur statu quo, rien ne changera. En tant qu’étudiant, je souhaite préciser que le changement doit être commencé par nous-mêmes ; il est nécessaire d’aménager un environnement universitaire au sein duquel les entreprises rivaliseront. La compréhension mutuelle est la clé de la coopération dans ce cas.
Quels bénéfices ?
Une coopération plus étroite sera bénéfique pour les deux parties. Les entreprises pourront subventionner les universités et avoir accès à des spécialistes de niveau mondial. L’économie verra ses problèmes résolus et les chercheurs auront non seulement des salaires plus élevés (ce qui est malheureusement toujours un grand problème) mais ils seront plus proches des ”problèmes du monde réel” et comprendront mieux l’environnement économique du pays. En plus, les étudiants seront plus proches des embaucheurs potentiels ainsi que des demandes actuelles et prévues du marché. Le meilleur exemple pour illustrer mon discours est celui de la Finlande et de s coopération économie-éducation qui est devenu une référence pour d’autres pays. Mais pour cette coopération il est nécessaire de remettre en question la façon dont les chercheurs sont évalués, puisque ceux qui se vouent à la recherche industrielle ne devraient pas être évalués d’après la somme des citations de leurs publications académiques.
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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