Le référendum hongrois sur l'immigration
Référendum sur l’immigration : la Hongrie ne veut pas sortir de l’Union européenne
Le 2 octobre 2016, les Hongrois sont appelés aux urnes afin de répondre à une question simple, pourtant rendue nécessaire par la crise migratoire et sa gestion par l’Union européenne: «Approuvez-vous que l’Union européenne puisse ordonner l’installation en Hongrie, à titre obligatoire, de ressortissants non Hongrois sans l’accord de l’Assemblée nationale ?» La majorité des Hongrois sont supposés voter pour le non. Selon un sondage de la Fondation Századvég, 72% de la population hongroise exprimerait son opinion dans ce sens. Les Hongrois sont-ils xénophobes ? Veulent-ils quitter l’Europe ? Veulent-ils aller en contre-courant à tout prix ? Tout comme pour le référendum, la réponse à ces questions est également non. Cet article à pour objectif d’éliminer ce prétendu paradoxe.
La vraie position de la Hongrie sur l’immigration
La Hongrie, du fait du son histoire moderne, et de l’absence de prétentions coloniales antérieures, n’est pas un pays d’immigration. Néanmoins, chaque année, elle a accueilli et elle continue à accueillir de nombreux réfugiés. En été 2015, elle s’est trouvée confrontée à un flux migratoire extraordinaire, arrivant par la voie des Balkans occidentaux. Les procédures traditionnelles de demande d’asile ne permettaient plus de gérer la situation. Et cela d’autant plus que la majorité des migrants revendiquaient leur droit d’entrer en Hongrie sans aucun contrôle, tout en refusant de respecter les règles nationales et européennes. Le pays a eu pour réflexe de renforcer le contrôle de ses frontières, et c’est pouquoi il a érigé une barrière physique pour pouvoir effectivement assurer ce contrôle. Sans frontière, il n’y a pas d’Etat souverain, cette mesure ne demande donc normalement aucune justification particulière. Le gouvernement hongrois a en plus attiré l’attention sur le risque d’infiltration des terroristes, risque particulièrement élevé dans une masse incontrôlée, qui arrive d’endroits complètement ou partiellement dominés par des organisations terroristes. Les événements en Europe occidentale de 2015 et de 2016 ont montré que malheureusement, cet appel à précaution était loin d’être infondé.
Autre observation que la Hongrie a soulevé concernant l’immigration : le pays ne serait pas capable d’intégrer un trop grand nombre de personnes originaires de milieux culturels et civilisationnels très différents. Plusieurs dirigeants politiques européens ont critiqué cette inquiétude en affirmant que les individus nouvellement arrivés ne souhaitaient de toute façon pas rester en Hongrie, et qu’ils visaient d’autres pays européens. Ainsi la Hongrie n’aurait fait que provoquer un faux débat. Mais l’histoire a très vite donné raison aux précautions hongroises, lorsque la répartition des immigrés entre pays membres de l’Union européenne selon des quotas obligatoires a été mise à l’ordre du jour.
Les intérêts divergents des Etats membres appellent à la négociation
Au moment où la question des quotas obligatoires a surgi, c’est une négociation entre Etats européens qui a commencé. Les pays membres de l’Union européenne présentent une diversité historique, sociétale et démographique ayant pour conséquence des intérêts économiques, politiques bien différents et propres à chaque Etat. Certains, comme par exemple l’Allemagne, considèrent avoir besoin d’une immigration importante pour assurer leurs besoins économiques, alors que d’autres, tels que les pays de l’Europe centrale, ont peur de voir leur harmonie sociale brisée par le même phénomène. Du fait de ces divergences d’intérêts, les déclarations basées sur une certaine interprétation des vauleurs européennes doivent être considérées au bon endroit. Lorsque certains Etats se présentent comme humains, accuillants, respectant entièrement les droits de l’homme, face à d’autres qu’ils jugent inhumains, xénophobes et autoritaires ; il faut y voir des instruments de négociation et non pas des jugements absolus impossibles à remettre en cause. Ne pas admettre cela, reviendrait à fausser le débat européen puisqu’il s’agirait d’éliminer l’opinion concurrente sans négociation.
Les arguments majeurs de la Hongrie
La Hongrie dispose bien d’arguments pour défendre sa position. D’une part, la souveraineté nationale suppose que chaque Etat puisse décider des individus qu’il veut admettre sur son territoire. Un mécanisme de répartition mis en place par les institutions européennes sans le consentement de l’Etat en question serait en conséquence une atteinte grave à sa souveraineté. Il est possible d’argumenter juridiquement, que la répartition telle qu’elle est prévue par la Commission européenne ne signifie pas une installation définitive des migrants dans tel ou tel Etat membre, parce que suite à la rélocalisation, chaque Etat devrait examiner lui-même les demandes d’asile et pourrait prendre des décisions de refus. Pourtant, lorsqu’un grand nombre de personnes arrivent sur le territoire national, il est très difficile d’exécuter les décisions de refus et de reconduite à la frontière, la France en fournissant un bon exemple. En fait, les gens restent, et ne partent que dans les directions qu’ils souhaitent. La premier ministre hongrois, Viktor Orbán, s’interroge d’ailleurs sur comment assurer que les personnes relocalisées ne repartent pas aussitôt dans les pays d’où ils venaient d’être déplacées. Autre question de principe est aussi : quand est-ce que l’immigration s’arrêtera ? Si l’Union européenne ne trouve pas les moyens pour réduire l’immigration, les quotas fixés chaque année mèneront inévitablement à la saturation des Etats membres au fil du temps. Pour la Hongrie, une politique migratoire européenne suppose d’abord la réduction des flux migratoires sur le territoire de l’Union, la répartition interne ne pouvant arriver qu’après, en respectant un stricte ordre logique.
Un référendum organisé pour mieux négocier
Les Etats partisants des quotas ne veulent manifestement pas entendre parler de ces arguments. Et c’est pour cela que le gouvernement hongrois a décidé de recourir à l’argument démocratique le plus fort : interroger la volonté de la population par référendum. Le gouvernement cherche à renforcer son mandat pour pouvoir négocier en Europe d’une manière plus efficace. La négociation va de pair avec la confrontation, mais ne peut pas être réduite à une simple provocation. La négociation est une nécessité en Europe, comme l’a également résumé Alain Plantey, ambassadeur et ancien collaborateur du Général de Gaulle : « il faut défendre la souveraineté de sa nation. Un négociateur public [...] est chargé de défendre les intérets de son peuple. De son Etat, de son peuple, car son peuple est souverain ! Parce que sinon ce n’est pas la peine qu’il négocie, il n’a qu’à obéir et c’est fini. »
Néanmoins, le référendum n’exclut pas non plus des compromis futurs : ce n’est pas en vain que dans la question qui sera posée au référendum, il s’agit d’une répartition « sans le consentement de Parlement hongrois ». Le refus des quotas n’est donc pas absolu, même en cas de référendum réussi, la Hongrie pourra toujours accueillir des migrants, à condition que le Parlement y soit favorable.
La Hongrie tend-elle à sortir de l’UE ?
Le débat sur l’immigration est légitime. Le pire qui peut être fait, et qui est malheureusement fait trop souvent, c’est de vouloir économiser le débat en éliminant a priori son concurrant. La Hongrie, comme les autres pays réticents sur la question d’immigration massive, sont accusés d’un repli sur eux-mêmes. Certains vont même jusqu’à dire que la Hongrie devrait sortir de l’Union européenne. Il faut souligner que le gouvernement hongrois n’a jamais envisagé une telle sortie. Au contraire, ce sont des représentants du camp adverse qui évoquent cette question. Le propos du ministre des affaires étrangères luxembourgeois ayant envisagé l’exclusion de la Hongrie de l’Union européenne en est un exemple récent. Mais une telle opinion ne reflèterait-t-elle pas davantage un repli sur soi du camp adverse, c’est-à-dire, une volonté d’exclure toute opinion politique concurrente, même au prix d’une réduction de l’Union européenne à un club plus restreint d’Etats occidentaux?
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
Le visage caché du référendum hongrois
Depuis 2004, la Hongrie fait partie d'une communauté, l’Union européenne, dont un des objectifs principaux est de promouvoir les droits de l'homme et de créer une communauté démocratique, tout en respectant la dignité humaine de chacun. Étant donné que l'on parle d'une organisation comptant 28 États membres, la vie communautaire n'est pas toujours facile. A côté de nombreux avantages que l'Union nous offre (la libre circulation des marchandises, des subventions européennes, la liberté de voyager etc.), il existe des moments de besoin d'aide mutuelle et de compromis. Si on souhaite appartenir à cette grande famille, on doit respecter ses règles de jeu et on doit privilégier les intérêts communs à nos propres intérêts.
Cependant, cette solidarité n'est pas respectée par le référendum hongrois du 2 octobre. En vertu des accords de Dublin, le demandeur d'asile a l'obligation de demander l’asile dans le premier État de l'espace Schengen qu'il a atteint, et cet État concerné se doit de traiter sa demande. Puisque certains pays, comme la Grèce ou l'Italie étaient déjà surchargés de demandes (par ailleurs, la Hongrie l'était également en automne 2015), le Conseil de l'Union européenne a fait d'appel à la fraternité, tout en sollicitant de répartir des demandeurs d'asile également dans d’autres pays.
Or, le gouvernement de Viktor Orbán, en se référant aux accords de Dublin, fait tout son possible pour éviter la présence des "étrangers" sur le territoire hongrois: « Nous vous informons que nous ne pouvons accepter aucun transfert (vers la Hongrie) au nom des accords de Dublin. Nous vous demandons d'annuler tout transfert en cours et vous demandons de ne plus envisager à l'avenir de transferts vers la Hongrie en vertu de ces accords ».
En dehors du côté politique de la question migratoire, le point de vue humaine ne doit pas être oublié non plus. Les demandeurs d'asile quittent leurs pays d'origine parce qu'ils n'ont pas de choix. La guerre a détruit leur vie entière y compris leur maison, leur famille, leurs amis. Quel est donc l'exemple donné par la Hongrie qui refuse d'aider ceux qui en ont besoin? Ne serait-ce pas totalement contre l'image "chrétienne" protégée par le gouvernement hongrois en vertu justement des enseignements bibliques: « ... j'étais étranger, et vous m'avez recueilli;... » ( Matthieu 25:35)? Comment expliquer ce manque totale de l'humanité aux enfants qui voient chaque jour les affiches bleues-jaunes?
Le référendum: un événement manipulé?
Voulez-vous que l'Union européenne décrète une relocalisation obligatoire de citoyens non-hongrois en Hongrie, sans l'approbation du Parlement hongrois? - sera la question. à laquelle la population hongroise devra répondre demain dans les isoloirs.
Cette interrogation est manipulative, pour plusieurs raisons. Contrairement à la question posée, dans le système des quotas, il ne s'agit pas d'une « relocalisation obligatoire », mais d’une obligation de traitement des demandes d'asile, ce qui n'exclut pas le droit de l'État de refuser les demandes s'ils ne sont pas compatibles avec la législation en vigueur. Il est vrai que l'approbation du Parlement hongrois n'était pas nécessaire au vote de cette décision; mais la Hongrie, étant membre de l'Union européenne, était présente au cours de toutes les résolutions européennes. Même si l'acceptation du système des quotas était défavorable pour les représentants du gouvernement hongrois, les décisions européennes ne pouvant pas plaire à tous les États membres, la réponse ne devrait quand-même pas être une réaction europhobe, tout en renforcant la campagne de haine commencée en été 2015.
Ce référendum, habilement constitué, ne prévoit même pas la possibilité de donner une réponse qui permettrait de s’opposer clairement à son succès. La logique de cette interrogation est simple: même si le citoyen répond « oui », cette action est prise en considération dans le taux de participation ayant pour conséquence de valider davantage le référendum. Les réponses "non", au contraire, sont évidentes: elles donnent l'autorisation au gouvernement hongrois de continuer la politique anti-européenne. En cas d'abstention, le citoyen n'exerce pas son droit fondamental de faire entendre son opinion politique d'une façon directe. En plus, il est difficile d'identifier les raisons qui l’ont poussé à ne pas voter: est-ce un signe de protestation? Ou bien n'attribue-t-il pas une grande importance à son vote?
Comment donc un citoyen pourra-t-il manifester son opposition dans le cadre de ce référendum? Le vote avec un bulletin nul, exprime deux choses: d'une part, le citoyen dit non à la discrimination, d'autre part il manifeste le fait qu'il est impossible de donner une bonne réponse à une question initialement mauvaise. En addition, les bulletins nuls ne contribuent pas à la validité de référendum, parce que bien qu'ils soient présents dans le résultat final, ils n'accroissent pas le taux de participation.
Au-delà de la protection des frontières
Il est bien visible que l'organisation de ce référendum a d'autres raisons que la peur éventuelle d’accueillir les 1 294 demandeurs d’asile qui constitueraient 0.01% de la population hongroise.
Si l'objectif était véritablement la défense de la population hongroise, le gouvernement aurait dû déjà favorablement réagir au discours de Jean-Claude Juncker, prononcé le 14 septembre 2016, dans lequel il a proposé des alternatives concernant la relocalisation des demandeurs d'asile. Selon cette proposition, ceux qui ne veulent pas participer à la rélocalisation, devraient participer davantage à la protection des frontières européennes. Juncker a justifié cet alternatif tout en admettant que « la solidarité est un acte volontaire, elle doit venir du coeur, elle ne peut être imposée ».
Le gouvernement n'a pas réagi à cette proposition, alors qu'elle serait vraiment avantageuse pour la protection des frontières de la Hongrie. S'il résiste toujours, c'est parce qu'avec le référendum, il a bien d'autres objectifs que d'assurer la protection de la Hongrie contre l'immigration.
Selon certains analystes, en cas d'un référendum valide et favorable pour le « non », le gouvernement d'Orbán proposerait l'amendement du Traité de Lisbonne, pour que la question migratoire appartienne à la compétence des États membres. En plus, parallèlement à cette action extérieure, le Parlement hongrois pourrait accepter une déclaration politique, voire un nouvel amendement de la Constitution. Ces manoeuvres de la politique intérieure et surtout extérieure aideraient le gouvernement à accroître sa popularité, parce que l'idée de l'amendement du Traité de Lisbonne nécessiterait la réaction des hauts fonctionnaires au sein de l'Union européenne. Les polémiques actuelles seraient donc déterminées par les débats déclenchés par l'État hongrois qui recevra ainsi une attention internationale. Qui sait, peut-être qu’être sous les feux de la rampe aiderait le gouvernement d'Orban à atteindre son but, et au lieu d'être la persona non grata de l'Union, il pourrait ainsi devenir le « sauveur » de l'Europe?
Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.
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