L'Assemblée Nationale Française doit-elle être dissoute ?

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Le Président de la République Française François Hollande, élu en 2012, se montre plus impopulaire à chaque nouveau sondage, et reste sur les cuisants échecs des trois élections de 2014. L'idée d'une dissolution de l'Assemblée Nationale, pour redonner la parole aux citoyens, fait son chemin dans la classe politique. Est-ce une alternative souhaitable?

Dissoudre l'Assemblée Nationale serait un acte irresponsable

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08/11/2014 - 10:00
L'opposition réclame que l'on redonne la voix au «peuple». Une initiative qui serait au mieux contre-productive.

François Fillon, ancien premier-ministre de Nicolas Sarkozy, ainsi que François Bayrou et Jean-Louis Borloo, représentants centristes, se sont récemment prononcés en faveur d'une dissolution de l'Assemblée Nationale, au regard de l'impopularité du Président et de la fronde d’une partie des députés dans l'hémicycle. Ils jouent les Cassandre en promettant l'implosion de la France sans de nouvelles élections législatives qui placeraient sans nul doute la droite en cohabitation. Il ne s'agit pas dans ces conditions d'avoir un débat partisan, aucune vérité n'y est à trouver et l'on s'entendrait certainement sur les erreurs du camp socialiste. Des facteurs objectifs montrent à l'inverse qu'une dissolution serait une hérésie.

Le pays a besoin de stabilité institutionnelle

La Ve République a été créée sur les vestiges de la IVe, qui avait consacré l'instabilité politique. Avec un régime présidentiel et le septennat, le pays devint plus gouvernable. La réforme s'acheva par le quinquennat en 2002 qui, bien que raccourcissant le mandat présidentiel, limitait les risques de cohabitation, permettant de donner une vision cohérente à la politique avec un gouvernement et un Président de la République du même bord politique. Les expériences de la cohabitation (1986-1988; 1993-1995; 1997-2002) n'ont pas été des plus heureuses pour la direction du pays. Voilà dans quelle impasse nous conduirait une cohabitation en 2014. La nécessité actuelle n'est pas de tester un levier puis l'autre, et de trouver la formule gagnante, elle est de maintenir un cap qu'une dyarchie rendrait brouillon. Le temps est aux réformes structurelles (retraites, fiscalité, administration du territoire) que l'opposition, une fois au gouvernement, entraverait sans nul doute par simple jeu politique.

Il convient par ailleurs de relativiser l'offuscation toute feinte de certains politiciens, qui mettent en avant l'impossibilité pour un Président de gouverner sans un soutien populaire. Outre que l'opinion publique n'existe pas, les élections perdues par le Parti Socialiste (PS) ne s'additionnent pas comme des petits pains. Les municipales sont moins partisanes et idéologisées que les élections nationales, tandis que les européennes ont polarisé les votes : le Front National (FN) contre l'Union Européenne (UE), le PS et l'Union pour un Mouvement Populaire (UMP) se partageant un même électorat. Les sénatoriales dépendent quant à elles des municipales et régionales. Le soutien populaire a par ailleurs souvent fait défaut au pouvoir, une fois passée la lune de miel: entre 2007 et 2012, l'UMP de Sarkozy a perdu chacune des élections intermédiaires.

Enfin, notons les risques à anticiper du côté de l'opposition en cas de dissolution: sans verser dans l'anti-frontisme primaire, la droite nationaliste n'a aucune expérience du pouvoir au moment où celle-ci est requise, tandis que l'UMP est responsable du creusement de la dette illégitime française – alors qu'elle a ironiquement permis elle-même le cadrage de la crise autour de la question de la dette.

La ligne politique ne changera pas

Accordons-nous sur le fait que l'échec de la politique actuelle est un échec économique. On peut questionner la marge de manœuvre des gouvernements européens quant à leur politique économique aujourd'hui, sous la surveillance de l'UE. En témoigne le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance, initié par Sarkozy et que Hollande a été contraint de mener à terme. La souveraineté économique est limitée, et une dissolution de l'Assemblée Nationale sera loin de placer au gouvernement un parti hostile à l'orthodoxie allemande. Statu quo.

Par ailleurs, entre le Pacte de responsabilité, la hausse de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) en janvier 2014, la baisse du coût du travail et des charges sociales, la gauche au pouvoir a puisé dans des théories plus néo-classiques que keynésiennes, suivant la pure orthodoxie économique allemande que déguise l'expression de «socialisme de l'offre». Un gouvernement de droite ne s'y serait pas pris autrement. Y aurait-il dit donc une aspiration populaire vers… un statu quo?

Nous ne sommes pas dans un simulacre de démocratie

La voix du peuple est le cheval de bataille de l'opposition. Ceux qui s'agitent, drapés de leurs revendications démocrates, se rappelleront que la démocratie connaît une crise au XXIe siècle en Occident, au regard du dévoiement qui est fait à partir de la légitimité électorale. Un aperçu des conséquences des révolutions arabes les convaincra: la démocratie n'est pas une fin, c'est la démocratie libérale qui l'est. Or, le cadrage désastreux de la crise financière en crise de la dette par les droites française et allemande à partir de 2008 – blâmant à tort les dérives budgétaires de certains pays européens – fut la dernière atteinte notoire à la démocratie libérale (avec la confiscation du droit de vote sur les matières budgétaires), faisant entrer l'Europe dans une post-démocratie (démocratie électorale mais technicisation biaisée des questions économiques et sociétales) qui justifie l'émergence des populismes.

Il est savoureux d'observer que ceux-là mêmes qui dénoncent la post-démocratie française supposément introduite par Hollande se fondent sur l'agent de la post-démocratie : les sondages. Agiter l'humeur des citoyens, capitaliser sur les couacs relayés par les médias, balayer d'un revers de main l'influence du quatrième pouvoir – les médias – et quarante années de sociologie politique, prétextant à la place l'expression d'un peuple éclairé, dont le lyrisme-même justifie que l'on en doute.

L'opposition, coupable d'un exercice de démagogie en bande organisée, ne s'exprime plus sur le terrain des idées, mais sur celui du contre-pied symétrique et stérile. Le registre de la politique est celui de la responsabilité. Aux partisans de la dissolution qui évoquent la démocratie et le courage politique, on leur répondra par l'inconscience et la témérité car, aussi communautaires que soient certains, nous formons une communauté de destin.

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

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