La coopération Intermarium

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Intermarium se nomme ainsi, car à l’origine cette coopération régionale devait fédérer les pays d'Europe centrale et orientale entre les mers Baltique, Noire et Adriatique. Des efforts ont été déployés tout au long du 20ème siècle pour construire et relancer cette coopération. Mais cette constellation est-elle encore viable et surtout souhaitable au 21ème siècle ? Intermarium serait-il en concurrence avec les unions régionales existantes ou, au contraire, son plein renouveau bénéficierait-il largement à ses membres ?

Intermarium - une chance pour notre région

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15/03/2018 - 19:19
Intermarium, ou Trimarium - c'est ce que les autorités polonaises tentent de créer dans cette partie de l'Europe: une alliance des pays situés entre la mer Baltique, la mer Noire et la mer Adriatique. La principale question est de savoir si une telle formation est réalisable, ou peut-être - comme le prétend un publiciste britannique bien connu Edward Lucas - que la Pologne n'est pas assez forte, économiquement et démographiquement, pour atteindre des objectifs aussi ambitieux.

Il ne fait aucun doute que la Pologne, un État situé au centre de l'Europe avec environ 38 millions d'habitants, fait partie des pays européens capables de mener une politique étrangère active, tant au sein de l'Union européenne qu’avec ses voisins immédiats. En Pologne, les experts indiquent généralement qu'il existe deux attitudes principales à l'égard de la politique étrangère du pays. La première est que Varsovie doit coopérer étroitement avec le noyau de l'UE, en particulier l'Allemagne et la France, et essayer de jouer le second violon (comme le Brexit est une question de temps) dans un tel concert des puissances au sein de la Communauté européenne. L'autre considère la Pologne comme un pôle de coopération avec les petits pays de la région, comme les pays baltes ou les autres pays du V4, créant ainsi une fraction considérable dans l'UE qui pourrait faire contrepoids face au noyau occidental. L'ancienne attitude était représentée par le gouvernement de Donald Tusk avec Radek Sikorski en tant que ministre des Affaires étrangères, et la dernière a été adopté par le parti Droit et Justice après sa victoire écrasante lors des dernières élections parlementaires et présidentielles en 2015.

Un coup d'oeil sur les anciennes cartes

L'idée d'Intermarium a été initialement soumise au début du 20ème siècle par l'un des plus grands hommes d'Etat polonais (alors militant socialiste combattant pour la Pologne indépendante), Joseph Pilsudski, comme une restauration d'une formation politique forte sous une forme comparable à la communauté des Etats de Pologne et de Lituanie, qui s’effondra en 1795. Pilsudski pensait que la fédération de la Pologne, de l'Ukraine, de la Lituanie et peut-être d'autres pays d'Europe centrale et orientale était une condition préalable pour les défendre contre la menace allemande et russe (alors soviétique) dans le futur. Malheureusement, les nationalismes (dont le fort nationalisme polonais) se sont révélés trop importants à l’époque et le projet a échoué. Au milieu des années 1930, un autre homme politique polonais et héritier de Pilsudski dans le domaine de la politique étrangère, Joseph Beck, tenta de créer une bande d'États neutres pris en sandwich entre l'Allemagne nazie et l'Union soviétique. Son plan a mal tourné, entre autres, la Roumanie et la Hongrie (noyau de la troisième Europe de Beck) n'ont pas pu enterrer la hache de guerre en Transylvanie, Varsovie a eu de mauvaises relations avec la Tchécoslovaquie et les Etats baltes et nordiques n'étaient pas intéressés à renoncer à leur neutralité pour former un tel bloc avec la Pologne.

A l’intérieur, pas au-delà

Nous savons tous ce qui s'est passé en Pologne en 1939, mais ce n'est pas le sujet. Le fait est que beaucoup de choses ont radicalement changé depuis l'époque d'avant la Seconde Guerre mondiale et nous ne vivons plus dans cette Europe. Cela implique que l'idée d'Intermarium a également changé. Aujourd'hui, nous ne sommes pas confrontés à un problème durable de deux puissances voisines hostiles parce que l'une d'entre elles est devenue notre alliée dans le cadre d'une organisation puissante et démocratique, de sorte que toute analogie historique qui nous vient à l'esprit est erronée. De nos jours, la Pologne est membre de l'Union européenne et de l'OTAN, ce qui garantit sa croissance économique, sa position politique et sa sécurité militaire. Selon les sondages d'opinion, le pays peut notamment se targuer d’être à travers l'Europe parmi les Etats où le soutien à l'UE est le plus fort. La Pologne reçoit une part importante des fonds structurels et profite énormément du marché unique européen. En un mot, il n'y a pas de problème particulier et un éventuel Polexit n’est pas à l'ordre du jour aujourd'hui. Si un gouvernement polonais soulève la question de quitter l'UE, il sera balayé de la scène politique tout de suite. Bien que certains médias d’opposition en Pologne considèrent sérieusement l’hypothèse d’un Polexit, cela est juste un élément de la guerre politique que nous pouvons voir aux bords de la Vistule.

Des erreurs tactiques

Si ce qui précède est vrai et que les autorités polonaises comprennent l'importance de notre appartenance à l'UE (nous supposons que c'est le cas, parce que, bon, elle ne peut tout simplement pas être ignorée), un autre mythe semble faux. Il résulte de ce qui précède que l'intérêt vital de la Pologne se trouve avec l’UE et l’OTAN. Beaucoup de gens croient que Intermarium est une idée qui s'oppose à l'UE et à l'OTAN. Andris Sprūds, directeur de l'Institut letton des affaires internationales, a déclaré dans une interview : "Stratégiquement, Intermarium ne nous intéresse pas, il est inefficace et peut avoir un certain caractère destructeur car il peut miner la cohésion de l'UE et de l'OTAN. La Lettonie ne veut pas jouer à ce jeu. "Le problème est que la Pologne ne voit pas Intermarium comme quelque chose qui affaiblirait les organisations euro-atlantiques, mais comme un outil indépendant d’organisation pour l’'Europe centrale et orientale pour défendre son intérêt si nécessaire. Le revers de la médaille est que le gouvernement polonais a fait des faux pas dans ses relations avec Bruxelles et que beaucoup le considèrent désormais comme un élément destructeur au sein de l'UE. La bataille pour le second mandat de Tusk en tant que président du Conseil européen, le différend avec la Commission européenne sur le Tribunal constitutionnel et la rhétorique anti-UE ou anti-allemande étaient à la fois inutiles et contre-productifs. C'est pourquoi certains pays ne veulent pas parler d'Intermarium, même si le projet semble assez judicieux.

Il existe déjà

Intermarium existe déjà indépendamment de ce que les gens pensent. Il fonctionne à chaque fois que les États d'Europe centrale et orientale agissent de concert pour trouver des solutions à des problèmes politiques, économiques ou infrastructurels communs. Ceux qui pensent qu'Intermarium doit être un organisme institutionnalisé comme l'UE ont tort, car tout est question d'intérêts communs. Nous en avons vu les effets à Bucarest en octobre 2015, lorsque neuf pays d'Europe centrale ont participé à un mini-sommet pour préparer une position commune avant le sommet de l'OTAN à Varsovie l'année suivante. Nous pouvons en observer le résultat aujourd'hui puisque la Pologne, la Lituanie et l'Ukraine tentent de bloquer le projet de gazoduc Nord Stream 2 de la Russie vers l'Allemagne. Mais les effets auraient été beaucoup plus importants si le gouvernement polonais avait fait de la politique comme il se doit - tranquillement et efficacement.

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

Intermarium – des discours agités sur un sujet épuisé

Translator
30/07/2018 - 16:33
Dans le monde des idées tout dépend de l’enthousiasme, dans le monde réel tout repose sur la persévérance. En appliquant cette idée au projet Intermarium, il n’est pas difficile de se rendre compte du fait que ses partisans sont devenus, au fil de ces dernières années, de plus en plus enthousiastes. Malheureusement, ils n’ont pas médité sur le message de Goethe et Intermarium ne s’est toujours pas matérialisé du monde des idées au monde de la réalité.

Mais qui est-ce qui empêche le projet d’aller au-delà des spéculations et de devenir quelque chose de réel? En partant des bases du projet, il est nécessaire de prendre en compte la situation actuelle des États concernés par l’idée. Bien que la plupart de ces États semblent être stables et prospérants, il y a deux sources d’incertitude importantes. La première provient de la Biélorussie qui est en train de chercher sa place entre la Russie et le reste de l’Europe. Il est difficile de d’estimer si le président Lukashenko sera assez déterminé pour risquer sa position et la confiance de son pays pour participer à un projet qui irritera très probablement son grand frère – la Russie. Le cas de l’Ukraine, l’autre source d’incertitude, est le meilleur exemple pour illustrer de quoi la Russie peut être capable afin de mener sa stratégie à sa fin. La guerre en Ukraine a écrasé toutes les ambitions de ce pays d’adhérer les alliances occidentales: l’OTAN et l’UE. Inutile de souligner que cette même improbabilité vaut pour Intermarium aussi. Ce n’est pas difficile d’imaginer que le fait d’établir une coopération étroite avec un pays qui est en guerre avec la Russie ne semble pas possible pour les autres États. Et ce qui rend la situation encore pire, c’est que l’Ukraine elle-même ne montre pas d’intérêt envers Intermarium non plus. Pour être plus précis, Intermarium ne signifie pas la même chose pour l’Ukraine que pour la Pologne. Kiev estime que leur coopération étroite et dynamique avec la Biélorussie et la Lithuanie crée un carrefour qui relie la région baltique avec la Mer Noire et devient un atout pour les négotiations avec la Chine concernant son initiative de Nouvelle Route de la Soie. Sur ce point je n’entre pas dans une analyse plus exhaustive vu que l’Ukraine est destiné d’être un des pays clés au projet Intermarium. Mais supposons que l’Ukraine ne causera pas l’échec de l’idée.

Trois mers au lieu de deux

Et si je dis qu’il y a une initiative compétitive derrière la paperasse et les déclarations? Lors de son séjour en Pologne le président Trump a récemment été invité à une réunion de l’Initiative des Trois Mers où tous les chefs d’État des douze États membres étaient présents. Le président des États-Unis a annoncé son soutien et a encouragé les chefs d’État à répandre l’idée. Cette déclaration était sans doute symbolique et le président Trump n’a d’ailleurs pas fourni de soutien financier ni lié les États-Unis à ce projet. Il semble également que les figures politiques polonaises, surtout le président Duda, avaient hâte de renoncer à Intermarium au profit de cette Initiative récemment formée. Son activité récente et la présence de Donald Trump illustrent mieux l’attitude polonaise envers les deux projets.

Je reconnais qu’il y a une différence fondamentale entre Intermarium et l’Initiative des Trois Mers. Intermarium a plutôt l’aire d’une alliance stratégique, militaire, alors que les Trois Mers se concentre sur trois secteurs de l’économie: l’énergie, l’infrastructure, et la technologie. Mais il n’y a pas de raison pour ne pas élargir cette initiative au plan politique, stratégique et en faire une véritable alliance entre les États membres. Malgré le fait qu’il s’agisse d’une création récente, les Trois Mers a dors et déjà atteint des résultats tangibles, matériaux. L’un d’eux est le projet Via Carpatia – une route internationale liant Klaipeda (Lettonie) avec la Thessaloniki (Grèce). L’autre exemple c’est le soutien actif des États participants au projet Nord Stream 2 qui pourrait renverser le système de sécurité européen du transport de gaz délicat. Prenant en compte que l’Initiative a été créée il y a peu de temps, il est déjà possible de remarquer qu’elle commence à rapporter ses fruits, alors que pour l’Intermarium, on ne peut pas dire la même chose.

Le vent de l’histoire

Bien que le concept moderne d’Intermarium se soit esquissé lors de la période de l’entre-deux-guerres, il doit faire face aux mêmes obstacles de nos jours. En effet, une telle alliance ne peut pas se maintenir sans l’accord des agents clés européens, susnomés l’Allemagne et la France. A l’époque, les Grands d’Europe, la Grande Bretagne et la France n’étaient pas ravies par l’idée d’une alliance juste à côté de l’Ourse soviétique qui devait être apprivoisé par la promesse de non-intervention au sein de sa sphère d’influence. Une telle alliance reviendrait encore une fois à mettre le doigt pile dans l’œil de l’ourse. Par conséquent, il est difficile d’imaginer que l’Allemagne, qui a pour ambition de devenir le chef de la communauté européenne, serait prête à soutenir un projet comme Intermarium. En plus des circonstances particulières propre à l’Europe nous sommes en route vers un conflit global causé par le réveil du dragon chinois. Certains diraient que c’est le meilleur moment pour sortir ses propres idées et projets, mais moi, je ne suis pas d’accord avec cela. En période de conflit général il est difficile d’imaginer que les pays concernés pas le projet Intermarium soient en dehors des camps des acteurs clés. Quand l’ennemi est ailleurs, il n’est pas nécessaire de créer un autre point de conflit qui menerait à des tensions entre la Russie et le reste de l’Europe. Malheureusement, il est plus probable que l’Europe de l’Est prendra part à une plus grande affaire qui concernera en premier lieu Washington et Moscou. Et si les États-Unis décident que l’Intermarium n’est pas acceptable, le bon sens veut que l’État polonais ne contredise pas son plus grand protecteur. La même chose vaut également pour le reste des États membres.

Ne casse pas le pied de l’Ourse

Enfin admettons une autre vérité. La Russie avec son passé impérial ne laisserait jamais Intermarium se réaliser, quelle que soit sa forme. Le conflit en Ukraine montre clairement la stratégie des responsables de Moscou. D’une part la provocation d’un conflit dans la partie Ouest de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée de l’autre ont efficacement exclu cet État à n’imprte quelle forme de coopération, comme il était prévu dès le début. Il n’y a pas de perspective pour l’Ukraine de devenir membre de l’OTAN ou de l’UE. L’Intermarium, même si c’est un autre type d’allience, n’est pas différent. En plus, l’agenda de la Russie prévoie d’intervenir dans les États de la région, en les décourageant d’une manière active de prendre la moindre initiative pour renforcer la coopération parmi eux. Ce problème touche l’OTAN, l’UE, l’Initiative des Trois Mers et touchera sans doutes le projet Intermarium sur tous les plans. Finalement c’est difficile de créer une alternative à l’UE ou de l’OTAN dans notre région. Ces deux traîtés se basent sur des fondements solides, ont persisté depuis pas mal de temps et n’ont toujours pas montré tous leurs potentiels. Par conséquent, l’Intermarium, afin d’attirer quelques attentions des autres projets déjà mentionnés, seraient obligé d’offrir quelque chose en plus, quelque chose qui peut mobiliser les pays de la région afin d’investir leurs fonds et de prendre des risques politiques et la responsabilité du projet afin de former une telle alliance.Intervarium ne peut pas s’éteindre, car le projet n’a jamais réellement commencé).

Cet article a été réalisé en coopération avec Łukasz Turkowski

 

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