Débat autour de l'union civile

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Le parlement polonais a rejeté les trois propositions de loi visant à établir l'union civile non seulement pour les couples hétérosexuels mais aussi pour les homosexuels. En conséquence, la société polonaise s'est divisée entre partisans et opposants à cette loi.

Une législation superflue

06/02/2013 - 10:46
Nombreuses sont les controverses autour des projets de loi visant l’introduction de la notion d'union civile dans le droit polonais. Cette réforme, sur de nombreux points, reste non-conforme à la Constitution et à la tradition législative polonaise.

Les propositions d'introduire l'union civile dans le droit polonais ont été rejetées par le Parlement. Cependant, en tenant compte de l'état actuel de la société polonaise et de la façon dont le système juridique de ce pays est construit, cette décision est parfaitement justifiée.

Une controverse constitutionnelle

Tout d’abord se pose la question de la constitutionnalité d’une telle loi. Lorsque le ministre polonais de la justice, Jarosław Gowin (PO), s’est prononcé contre l’ensemble des propositions présentées au vote, il n’en a pas oublié de mentionner l’article 18 de la Constitution. Il y est écrit que « la République de Pologne sauvegarde et protège le mariage en tant qu’union de la femme et de l’homme, la famille, la maternité et la qualité de parents ». En définissant le mariage, cet article met fin à tout projet d’introduire une égalité entre les couples homo et hétérosexuels au niveau de la nature juridique de leurs relations. Malgré la critique dont le ministre a fait l'objet, le même avis a été rendu par la Cour suprême de Pologne. Certes, aucun des projets élaborés par le PO, le mouvement de Palikot (RP) et le parti des paysans polonais (PSL) ne cherche à introduire le mariage homosexuel. Néanmoins, la notion de mariage telle qu'elle est définie constitutionnellement préfère les couples hétérosexuels en leurs garantissant droits et protection.

Une institution superflue

La pratique législative exige qu’une loi ne soit votée qu'en cas de nécessité. Toutefois, les propositions soumises au vote visaient à créer un nouvel état civil, celui d’une union civile pour les personnes de même sexe. Certes, le législateur doit choisir une réponse à l’existence de formes de cohabitation autres que le mariage, mais il doit aussi tenir compte des implications sociales, démographiques et morales. En suivant cette logique, il est évident que le législateur se trouve dans une position où il peut influencer le comportement des destinataires de la loi. Cela inciterait au renforcement de certaines attitudes. Par conséquent, l’argument en faveur d'une union civile pour les couples homosexuels, basée sur son occurrence dans la société, ne semble pas suffisant pour l’adoption d'une telle loi.

C’est l’argent, mon chéri

En fait, cette union n'aurait qu'un intérêt purement pratique pour les couples homosexuels. Il s’agit notamment des conditions dans lesquelles la propriété des conjoints peut être partagée ou héritée et de certaines aides pour les démarches administratives et fiscales qui ne sont attribuées qu’aux couples mariés pour le moment. La procédure de calcul de l’impôt est la plus fréquemment évoquée. Toutefois, la solution proposée, en d’autres termes la création d’une nouvelle institution à l’image du mariage, comme prévue par le RP, reste visiblement disproportionnée par rapport au véritable problème.

La fabrication idéologique

Un autre article de la Constitution, plus précisément l’article 32 sur les principes d’égalité et d’interdiction de la discrimination, est souvent évoqué par les auteurs de ce projet de loi. Ce type d’argument est toutefois maladroit. La valeur constitutionnelle attribuée au mariage en raison de son importance pour l’existence de la famille justifie sa place protégée et promue dans le système juridique. Elle ne peut pas être remise en question par d’autres articles de la Constitution. La fabrication du droit, n’ayant pour objectif qu’une déclaration idéologique, est en fait un exemple scolaire de la façon dont laquelle le droit ne devrait et, à proprement parler, ne peut pas être fait.

Une fraude constitutionnelle

En résumé, l’idée d’introduire l'union civile de partenaires de même sexe ne semble ni nécessaire, ni prudente du point de vue de la tradition législative polonaise. Le mariage, en tant qu’union d’un homme et d’une femme, les concepts de la famille dite « traditionnelle » et de la maternité resteront incontournables aussi longtemps que l’article 18 sera en vigueur. Tandis que le même article n’exclut pas l’existence de l'union civile d'un couple homosexuel, il n’y a pas de raisons suffisantes pour justifier son introduction. Par ailleurs, malgré toute l'argumentation élaborée par les auteurs de ces projets de lois, leur but ultime reste de proposer une alternative au mariage, sans tenir compte de son statut privilégié. Cela nous amène à une sorte de fraude constitutionnelle, où un être légal fonctionnerait sous deux noms.

 

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

La majorité gagne la bataille contre la liberté

02/01/2013 - 10:46
Le 25 janvier 2013 restera dans la mémoire d'environ deux millions de Polonais comme un jour de grande déception. Ces deux millions d'homosexuels ont non seulement perdu l'espoir d'une vie plus digne, mais ils ont aussi été humiliés par les discours injurieux des parlementaires de droite.

Le jour même où le parlement polonais a rejeté la proposition d'instaurer une union civile pour les personnes de même sexe, la Douma russe votait une loi interdisant la propagande homosexuelle. Cet coïncidence permet de se demander dans quelle mesure la Pologne a adopté les valeurs libérales de l'Occident.

Les préjugés empêchent la tenue d'une discussion constructive

La question se pose : pourquoi cette union n'a-t-elle pas été acceptée ? L'enjeu de ce projet de loi repose avant tout sur la légalisation des relations homosexuelles. C'est aussi l'aspect qui soulève le plus de controverses. Une grande partie des arguments lancés dans le débat parlementaire est pourtant infondée. Voyons quelques exemples de ce raisonnement aberrant qui s'appuie sur les préjugés communs. Tout d'abord, de nombreux députés se montrent persuadés que les homosexuels choisissent leur orientation. Il est difficile d'obtenir une preuve plus remarquable de l'ignorance et du manque de connaissance sur le sujet. Il existe bien un conflit entre les théories qui définissent différemment l'apparition de l'orientation homosexuelle : les uns croient que l'homosexualité est déterminée génétiquement, les autres qu'elle apparaît à cause de facteurs environnementaux tels que la situation familiale. Toutefois il y a un consensus sur le fait que ce sont des facteurs extérieurs, non maîtrisables par la personne homosexuelle, qui est « la victime » de son orientation.
Deuxièmement, ils croient que les relations entre ces personnes restent purement sexuelles, les gays et lesbiennes étant incapables d'amour. Cet argument, particulièrement douloureux car réduisant l'homme à ses fonctions animales, est aussi infondé. On voit de nombreux couples homosexuels qui vivent ensemble longtemps, même jusqu'à la vieillesse alors que l'activité sexuelle n'est plus possible.
D'autres arguments visent l'incompatibilité de la nature du couple homosexuel avec le but des relations institutionnalisées. Certains parlementaires pensent que leur objectif est la procréation. Or il existe des couples mariés qui n'ont pas d'enfants. De plus aucun test de fertilité n'est entrepris avant le mariage pour vérifier si l'homme et la femme concernés sont capables de réaliser cet objectif. Cela nous amène à découvrir le réel concept des relations légalisées : leur objet est l'engagement exclusif des deux parties.
Certains participants au débat ont suggéré que cette loi était contraire à la Constitution qui définit le mariage comme impliquant un homme et d'une femme. Pourtant elle ne dit rien sur l'union civile. En reprenant la formule clé de l'Etat de droit, "ce qui n'est pas interdit est permis", on en conclut que l'union civile n'est pas incompatible avec la Constitution.
Enfin, un argument est souvent avancé pour se défendre contre l'accusation de discrimination. Il n'y aurait pas de traitement différencié puisqu'on ne parle pas de la même situation : dans un cas on parle de deux personnes de sexes différents, dans l'autre cas de deux personnes de même sexe. Pourtant le même argument pourrait être utilisé pour la discrimination raciale : on ne parle pas de la même situation puisque dans l'un il s'agit de personnes blanches, dans l'autre cas de noirs.
Tous ces préjugés et incompréhensions ont conduit a une situation dans laquelle les couples homosexuels sont clairement défavorisés et leur vie est plus difficile.

La négation de la dignité des couples homosexuels

Des projets de loi ont revendiqué l’élimination de plusieurs obstacles qui rendent la vie des couples homosexuels moins digne. La question porte sur des droits très pratiques qui paraissent naturels et inaliénables pour les couples hétérosexuels. Parmi ces difficultés on peut mentionner l'impossibilité de visiter un partenaire malade à l'hôpital ou de connaître son état de santé, faute du statut de « proche » Pour la même raison, il est impossible de refuser de témoigner durant un procès où le partenaire est accusé, ce qui est possible dans le cas des couples hétérosexuels. La question se présente de la même manière pour les affaires liées au patrimoine, qui n'est pas commun, et pour l'héritage, qui est surtaxé. Les opposants à ces lois peuvent dire que toutes ces affaires peuvent être régulées par un certain nombre de contrats. Certes, mais ces engagements contractuels, justement, coûtent cher. De plus tout cela est garanti gratuitement pour les couples hétérosexuels mariés. Est-ce équitable ? Le rejet de l'union civile de personnes de même sexe est-il juste ?

La liberté individuelle comme enjeu principal

Cette dernière question peut d'un côté être vue comme très superficielle ; de l'autre il est impossible d'y répondre. Néanmoins un philosophe politique contemporain, John Rawls, a créé une conception de la justice qui permet de résoudre cette difficulté. Afin d'établir les principes de la justice, il propose d'imaginer une situation hypothétique dans laquelle on se trouverait sous un « voile d'ignorance ». Cela veut dire qu'on ne connaîtrait pas sa propre situation : on ne saurait pas quelle est la couleur de notre peau, quel est notre revenu, quel est notre métier, quel est notre sexe, ou quelle est notre orientation sexuelle. On serait alors incité à choisir des principes qui ne pénaliseraient aucune situation dans laquelle on pourrait se retrouver après la chute du « voile d’ignorance ». Ainsi, sous ce dernier, on ne choisirait pas de règles qui permettent la discrimination des noirs, parce que il se pourrait que l'on soit noir. Conformément à cette théorie on choisirait l’égalité des couples hétérosexuels et homosexuels, car on ne saurait pas quelle orientation on aurait (elle ne dépend pas de nous). Par conséquent, il est juste de permettre de s'unir avec une personne du même sexe que soi. Cette démonstration ouvre une réflexion plus large sur le rôle de l’État. Il est justifié de soutenir un État neutre qui favorise la liberté. Dans cet Etat, tout ce qui ne limite pas la liberté des autres est permis aux citoyens. Ainsi, une union civile qui ne produit des effets que sur des personnes qui y consentent (pas d'effets sur les tiers) serait nécessairement légale. La situation inverse est bien évidemment contraire à la liberté, donc injuste.

Une libéralisation inéluctable

Malgré le rejet du projet de loi, les partisans de l'union civile pour les personnes de mêmes sexe en Pologne peuvent rester optimistes. L'histoire montre que les forces qui optent pour la liberté sont toujours victorieuses. Pour reprendre quelques exemples : l'esclavage a été aboli, les femmes deviennent de plus en plus les égales des hommes, la discrimination des noirs a été éliminée du droit américain. Il est donc légitime d'attendre une encore plus grande liberté pour les relations légales : elles ne sont plus limitées ni par la classe sociale, ni par la richesse, ni par la nationalité. Ce mouvement de libéralisation est inévitable, comme l'est le passage du temps. Ceux qui s'opposent aujourd'hui à la liberté de s'unir se trouveront un jour en minorité. Un jour, ne voudront-ils pas jouir des droits libéraux qu'ils combattent maintenant ?

Cet article présente intentionnellement un seul parmi les différents points de vue existant sur cet enjeu. Son contenu ne reflète pas nécessairement l'opinion personnelle de l'auteur. Je vous invite à prendre connaissance de la philisophie de Duel Amical.

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