L'affaire Haddadi : pour ou contre sa condamnation ?
L’amour d’une mère face à l’application de la loi
Bien que ce type d’affaires demeure très rare, ce n’est pas la première fois qu’un tribunal correctionnel prend en charge une affaire de financement de terrorisme par les parents. Résumons : une mère se retrouve au Palais de Justice de Paris pour avoir payé des billets d’avion à son fils et lui avoir aussi envoyé 2800€ ; jusqu’ici tout va bien, rien de choquant. Le problème est que son fils s’appelle Belabbas Bounaga et qu’il s’agit d’un djihadiste radicalisé en prison. De plus, en tant que fiché S et surveillé par les autorités françaises, il était visé par une interdiction de sortie du territoire. Cependant, malgré cette interdiction et sa radicalisation manifeste, la mère lui paya des billets d’avion pour la Malaisie, pays à partir duquel Belabbas Bounaga a pu rejoindre la Syrie pour remplir les rangs de l’État Islamique. Malgré le fait qu’elle sache que son fils s’engageait pour combattre la coalition internationale contre Daech, elle lui avait fait parvenir 2800€ avant qu’il parte définitivement pour la Syrie. Ainsi s’est-elle retrouvé face à la Justice française en septembre 2017, avec pour chefs d’accusation financement du terrorisme et complicité de violation de l’interdiction de sortie du territoire. Le procès dura tout le mois de septembre ; la mère se défendait d’avoir participé au financement et avançait que les sommes qu’elle envoyait était uniquement destiné à subvenir aux besoins vitaux de son fils. Celui-ci lui avait demandé de l’argent en particulier pour des soins médicaux dont il aurait eu besoin. À la fin du mois, le verdict tombe : ce sera deux années de prison pour Nathalie Haddadi.
Une condamnation justifiée
Un peu de pragmatisme. Il ne fait aucun doute que la détresse de la mère puisse l’amener à agir de cette façon, mais ce n’est pas pour autant que la Justice doit laisser un tel comportement se propager sans se prononcer à son sujet. Elle le fit ce 28 septembre en condamnant donc Nathalie Haddadi à 18 mois de prison ferme ; seule lueur parmi cette pénombre pénitentiaire, la peine est aménageable. C’est une décision, qui fit quelques remous dans la presse nationale, qui résulte tout simplement de l’application de la loi : aux yeux de la justice, envoyer de l’argent à un terroriste s’appelle ‘’financement d’entreprise terroriste’’. Qu’importe s’il s’agit du fils ou d’un inconnu, là n’est pas la question : cela reste du financement d’entreprise terroriste, la loi ne distinguant pas la place qu’occupe l’accusé par rapport à celui qu’il finance. D’autant plus que le tribunal appuie sa décision sur le fait que la mère était tout à fait au courant « des aspirations de son fils », en dépit desquelles la mère envoya tout de même près de 3000€ à son fils. Sinon, cela signifierait qu’il suffit de passer par l’intermédiaire de la mère pour financer, en toute impunité, une entreprise terroriste ! On marche sur la tête. Cette décision de condamnation se justifie aussi de par le contexte dans lequel le verdict est rendu : la période n’est pas propice à la clémence vis-à-vis du terrorisme. Le juge n’a donc fait que répondre aux attentes de la société : le fils était perçu – il convient de parler au passé puisqu’il serait mort au combat depuis août 2016 – comme un ennemi de la société, voire même d’État, il est par conséquent logique que ceux qui l’ont aidé, y compris la mère, répondent de leurs actes face à la justice.
Néanmoins, cette condamnation, qui laisse la mère bouche bée, amène un nouveau procès : Nathalie Haddadi a déjà déclaré vouloir faire appel de ce jugement. Une affaire à suivre…
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