Pour ou contre les 32 heures hebdomadaires ?
La démocratie, les inégalités et la réduction du temps de travail
Certains lisent ces tendances comme le signe de la fin de l’emploi pour tous et proposent l’instauration d’un revenu universel inconditionnel.
Mais, cette déconnexion entre travail et revenu contourne les problèmes auxquels nous devons faire face : retrouver tous ensemble un sens au travail et une qualité de l’emploi, car nous n’aurons jamais une société sans aucun travail humain. Pour cela, la réduction de la durée légale du travail à temps plein reste une politique incontournable si l’on veut vraiment lutter contre le chômage et la précarité mais aussi pour une meilleure répartition des richesses.
Une des dynamiques essentielles de nos économies capitalistes est la rationalisation continue des modes de production et donc des gains de productivité du travail. Cette tendance structurelle conduit à baisser ou à ralentir la croissance des heures totales de travail nécessaires pour produire de plus en plus de richesse. Comme la population active progresse régulièrement, la durée de travail moyenne ne peut que baisser. Ainsi, la durée du travail effective moyenne baisse, mais elle le fait de différente manière selon les options politiques de chaque pays.
En France, la baisse de la durée effective s’est faite depuis trois décennies par deux voies : la baisse de la durée légale et le développement du chômage et du temps partiel. En Allemagne ou au Royaume-Uni, cette baisse est passée presque exclusivement par le développement du temps partiel. Mais, ces deux voies conduisent à des situations sociales diamétralement opposées. Le développement du chômage et du temps partiel augmente inégalités et précarité.
En revanche, une baisse de la durée légale du temps plein limite les inégalités et la précarité, car le volume de travail est plus équitablement réparti.
Mais, la baisse de la durée légale du travail n’est pas simplement une mesure économique de lutte contre le chômage. C’est un véritable choix politique, car pour qu’elle soit socialement réussie il faut d’une part contenir les gains de productivité que les employeurs tenteraient d’obtenir en réorganisant et intensifiant le travail pour limiter l’embauche.
Il faudrait donc que les entreprises renoncent à une partie de leurs profits afin d’accroître les salaires versés. Pour préserver les investissements, il faut donc que la réduction du temps de travail (ou RTT) soit compensée par une baisse des dividendes versés. Cela montre bien qu’il s’agit d’un véritable choix politique de répartition de la richesse.
A l’époque où les inégalités atteignent des records historiques et menacent nos démocraties, il est plus que temps d’affronter la question de la répartition des richesses par la réduction du temps de travail.
Mireille Bruyère est professeure à l'Université de Toulouse Jean Jaurès et membre du Collectif des Économistes Atterrés
C'est article a été publié en coopération avec Le Drenche. L'original peut être consulté en cliquant sur ce le lien.
This article deliberately presents only one of the many existing points of views of this contorversial subject. Its content is not necessarily representative of its author's personal opinion. Please have a look at Duel Amical's philosophy.
Réduire le temps de travail… réduira le travail
La première, c’est que le temps de travail est une résultante des gains de productivité réalisés dans l’économie. Si des gains de productivité importants sont réalisés, on peut augmenter les salaires ou diminuer le temps de travail ou même les deux mais de façon différenciée selon les branches ou même les entreprises (et jamais par une politique uniforme). C’est ce qui s’est passé depuis la révolution industrielle à partir de la fin du 18ème siècle. Mais il ne faut pas inverser le raisonnement. La baisse du temps de travail est la conséquence d’une économie dynamique dans laquelle les entreprises investissent. C’est bien là que réside le problème de la France qui est structurellement en situation de sous-investissement. Mais la réduction généralisée du temps de travail ne peut pas être une mesure discrétionnaire de politique économique, sauf à casser les salaires et encore plus l’emploi.
En effet comme outil, la réduction du temps de travail ne donne pas de résultats probants. Les multiples études réalisées sur le passage de 39 à 35h le montrent.
Par exemple, les économistes ont comparé l’évolution de l’emploi entre 2000 et 2001 des entreprises de plus de 20 salariés, alors obligées d’appliquer les 35h, et les autres. Ils n’ont pas noté de différences entre les deux groupes. Même constat quand on a observé les comportements relatifs des entreprises en Alsace-Moselle, où la réduction du temps de travail a été moins forte que dans le reste de la France, pour une histoire de différence jours fériés. S’il y a eu des créations d’emplois au moment du passage au 35h, c’est parce que la croissance économique était forte.
Il n’y a donc pas d’argument solide pour le passage aux 32 heures, proposition qui procède du marqueur politique et non du raisonnement économique.
L’idée selon laquelle l’économie est un gâteau qu’il faut découper en parts de plus en plus petites n’est pas seulement désespérante : elle est fausse. En effet l’emploi dépend de la croissance, de la nature du contrat de travail, du coût du travail, de la formation, du profil d’indemnisation des demandeurs d’emplois mais pas du temps de travail. Ce sont ces leviers qui ont été actionnés par les nombreux pays qui bénéficient d’un quasi plein-emploi aujourd’hui, de l’Autriche au Royaume-Uni en passant par le Danemark ou la Suisse.
Il y a une deuxième raison qui m’amène à être très circonspect sur cette notion de réduction du temps de travail. C’est qu’elle passe outre la formidable mutation technologique que nous traversons, celle de l’intelligence artificielle, de la robotique, de la génétique, de l’imprimante 3D… qui est en train de changer fondamentalement le rapport au travail.
Le travail devient, pour le meilleur et le pire, plus individualisé, plus autonomisé et la ligne de démarcation entre le travail et le non-travail s’affaiblit.
C’est pourquoi des sujets comme le droit à la déconnexion me semblent plus féconds que les débats sur la réduction du temps de travail.
Nicolas Bouzou est essayiste et économiste, fondateur du cabinet de Conseil Asterès
C'est article a été publié en coopération avec Le Drenche. L'original peut être consulté en cliquant sur ce lien.
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