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La pacte de Marrakech est-il efficace?

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L’adoption récente du Pacte de Marrakech constitue une mesure importante en matière d’immigration, sujet chaud des élections européennes de ce printemps. En ce moment, on entend souvent des débats entre les forces « pro-immigration » et « anti-immigration ». Voici un débat qui traite le sujet d’un aspect différent, en se concentrant avant tout sur la question de l’efficacité du Pacte.

Un grand pas en avant

27/02/2019 - 16:10
Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières - aussi appelé Pacte de Marrakech - a fait l’objet, avant-même son adoption le 19 décembre 2018, de nombreuses réticentes, critiques et désinformations. Pourtant, le Pacte ouvre la voie vers une nouvelle vision des migrations et marque une avancée inédite de la coopération internationale en la matière.

Les 10 et 11 décembre 2018, 164 Etats se sont réunis à Marrakech lors d’un sommet organisé par l’ONU afin d’adopter le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Ce pacte est le résultat de 18 mois de consultations et de négociations entre ces Etats autour des divers aspects de la question migratoire et développe une approche commune des migrations internationales. Il est formellement adopté le 19 décembre 2018 à l’Assemblée Générale des Nations Unies.

Ce pacte porte sur une question sensible : les migrations. A l’approche du sommet, plusieurs Etats ont affiché leur refus de participer, multipliant des arguments relatifs à leur souveraineté nationale. D’autres critiques provenant notamment d’organisations non gouvernementales visent les insuffisances voire l’inefficacité d’un tel pacte dont la nature non-contraignante ne permettrait pas de réaliser ses objectifs. Cette tendance à se focaliser sur les aspects négatifs, pourtant minoritaires, dissimule un portrait bien plus positif et optimiste que celui que ses détracteurs dépeignent. Nous devons célébrer l’existence d’un tel pacte, nouveau, ambitieux et qui constitue le point de départ vers une meilleure coopération en matière migratoire.

Un pacte historique, ambitieux et inédit

Parmi les reproches faits au pacte migratoire, notamment par ceux qui souhaiterait voir plus d’avancées en matière de coopération sur les migrations, se trouve celui de sa nature non-contraignante. Le pacte n’est pas un traité. Les Etats signataires n’ont aucune obligation de suivre ces engagements et ces dernières risquent de ne rester que de belles lettres sans mise en œuvre concrète. Or, si en effet la nature du pacte diminue d’une certaine façon son possible impact, il ne faut pas négliger l’importance du discours, surtout lorsqu’il s’agit de faire évoluer une vision de phénomène aussi controversé que les migrations.

Autrement dit, le Pacte mondial sur les migrations a le mérite d’exister et cela signifie beaucoup. Le simple fait que plus de 160 Etats se soient réunis pour négocier ensemble sur tous les aspects de la question et pour partager leurs avancées, leurs bonnes pratiques et leurs objectifs est une première historique. Pour tous les Etats signataires, il s’agit d’un engagement qui n’est pas anodin. Ils envoient un message, à leurs cosignataires et à tous les autres, affichant leur volonté d’avancer ensemble. Les pays qui ont rejeté le Pacte ne sont qu’une vingtaine, et même si leur absence et/ou leur refus est regrettable, ils sont minoritaires. L’effet des désistements à l’approche de la conférence de Marrakech ne suffit pas pour la qualifier d’échec, bien au contraire.

Le point de départ vers une coopération plus approfondie et un impact plus important

Plutôt que de voir en ce pacte une finalité, il serait plus juste d’en voir un point de départ ambitieux vers une gestion commune des migrations. Le Pacte se présente comme un catalogue de bonnes pratiques et d’actions possibles à disposition de la communauté internationale afin de répondre au mieux aux nombreux enjeux qui entourent les migrations. Il compile notamment les principes et les obligations du droit international en la matière. En ouvrant par ailleurs un tel espace de dialogue mondial, son contenu peut permettre l’élaboration de nouveaux accords sur des points plus précis et plus contraignants.

Les retraits successifs de la signature de plusieurs Etats du Pacte de Marrakech sont le fait de partis politiques au pouvoir qui se présentent généralement défavorables aux migrations. Il n’est pas surprenant par exemple d’y retrouver les pays du groupe de Visegrad en Europe (Pologne, Hongrie, République Tchèque, et Slovaquie) connus pour leurs positions virulentes contre l’immigration. Un tournant politique futur au sein d’un pays aujourd’hui réfractaire pourrait faire changer l’engagement de ce dernier en faveur du Pacte mondial sur les migrations. Si l’inverse est tout autant envisageable, le Pacte a le mérite de constituer un point de départ stable autour duquel une coopération internationale peut se fonder et une source d’inspiration pour ceux qui souhaiterait s’y engager.

Il ne faut pas céder à la désinformation

Certaines critiques et certains réfractaires font dire au pacte ce qu’il ne dit pas et lui reproche d’être ce qu’il n’est pas. La désinformation et la déformation se sont développées autour de ce dernier.

L’argument favori des opposants est celui de la souveraineté nationale. Donald Trump, comme bien d’autres chefs d’Etats et de gouvernements, le qualifie par exemple d’incompatible avec la souveraineté des Etats-Unis selon laquelle aucune décision en matière de politique migratoire américaine ne saura venir de l’extérieur. Le Pacte de Marrakech n’impose cependant rien aux signataires et « réaffirme le droit souverain des Etats de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence […] ». D’autres encore, bien souvent des parties et gouvernements de droite, d’extrême droite, souverainistes ou nationalistes, craignent que ce Pacte incite à l’immigration et plus particulièrement l’immigration illégale. Un double-standard qui présente à tort les migrations sous le prisme de l’insécurité et de la préférence nationale, surtout lorsque des Etats oublient que leurs ressortissants migrent, eux aussi.

Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières est réaliste : les migrations font partie de l’humanité et ne prendront jamais fin. La communauté internationale devra, qu’elle le veuille ou non, s’y accommoder. Le Pacte lui donne les outils les gérer au mieux, dans le respect des droits de l’Homme et le respect des intérêts de chacun. L’adoption du Pacte de Marrakech est une opportunité qu’il faut célébrer et dont il faut se saisir pleinement.

This article deliberately presents only one of the many existing points of views of this contorversial subject. Its content is not necessarily representative of its author's personal opinion. Please have a look at Duel Amical's philosophy.

Une occasion manquée

27/02/2019 - 16:14
Le 19 décembre 2018, l'Assemblée Générale des Nations Unies adopte le Pacte Mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Il s'agit d'une première dans l'histoire des Nations Unies. Pour la première fois, la majorité des Etats membres sont rassemblés pour la rédaction et la signature d'un texte couvrant de larges aspects des migrations. Si le texte représente une avancée en matière de déclaration, son application reste incertaine.

Le Pacte se compose de 10 principes directeurs et de 23 objectifs auxquels les Etats signataires s'engagent, assortis de 200 "mesures" ou "sous-engagements" pour les mettre en oeuvre. Adopté à Marrakech par environ 160 pays, le texte s'est accompagné d'une résolution de l'Assemblée Générale des Nations Unies. A cette occasion, 152 pays ont adopté la résolution, 5 ont voté contre et 12 se sont abstenus. Il s'accompagne d'un Pacte pour les réfugiés, selon la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants de septembre 2016.

Un catalogue de bonnes pratiques

Le Pacte porte en lui même ses propres limites. En énonçant des principes et des objectifs volontairement généraux, les rédacteurs du texte ont garanti une adoption massive de celui-ci. Les objectifs sont censés être à la portée de tous les Etats. Le texte est non-contraignant, c'est-à-dire que son application dépend de la bonne volonté des Etats. Aucune sanction n'est prévue contre les Etats qui ne respecteraient pas leurs engagements. Or, si quelques Etats considèrent qu'un engagement politique est par essence obligatoire, selon le principe anglo-saxon de soft law, on peut douter de la bonne foi de nombreux Etats quant à l'application d'un texte aussi polémique.

La nature générale et non contraignante du Pacte n'a pas empêché le retrait d'une trentaine d'Etats entre la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants et la résolution de l'ONU du 19 décembre 2018. Parmi les détracteurs du texte se trouvent un bon nombre de pays européens dont les gouvernements sont ouvertement anti-immigration. En plus de présenter l'image d'une Europe divisée, l'impulsion donnée au Pacte est amoindrie, alors que l'Europe se présente habituellement comme un modèle de négociation et de multilatéralisme.

Le texte rassemble des engagements qui ont été déjà été pris par la communauté internationale. Cela permet de fournir un instrument qui traite de nombreux aspects des migrations. Le texte comporte également quelques nouveautés. Pour la première fois, les droits des familles des personnes migrantes sont reconnus, en cas de décès notamment (Objectif 8). Le Pacte intègre également la dimension climatique et les migrations dues aux catastrophes naturelles (Objectif 2). En revanche, d'autres engagements ne sont pas repris par le texte, comme les dispositions de la Convention internationale sur les droits des travailleurs migrants de 1990, qui constituait pourtant une avancée en matière de droits des travailleurs migrants.

De plus, certaines dispositions posent de graves problèmes. L'Objectif 1 propose de collecter des données sur les personnes migrantes, afin d'élaborer des politiques migratoires au plus proche de la réalité. Mais comment être sûr que ces données ne seront pas utilisées à des fins sécuritaires? Les "mesures" comprises dans le texte restent des déclarations et idées sans proposition concrète de mise en oeuvre, à l'image de l'Objectif 2.b. : "Créer des mécanismes ou renforcer les mécanismes existants qui permettent de suivre et d'anticiper l'apparition de risques et de menaces susceptibles de déclencher des mouvements de migration".

Un texte qui sert les pays du Nord

Le Pacte de Marrakech a été largement rédigé par des pays du Nord, et conforte les politiques migratoires mises en place par ces derniers. Le texte ne remet pas en cause les politiques d'externalisation de contrôle aux frontières, stratégie adoptée par l'Union européenne pour limiter l'immigration illégale.  Il réaffirme le droit souverain des Etats, libres d'accueillir ou non les personnes migrantes sur leur territoire. Les frontières, construction humaine, sont alors présentées comme des barrières infranchissables sans le bon vouloir des Etats.

Mais les frontières ne sont pas infranchissables pour tous. Elles le sont principalement pour les personnes du Sud, ne disposant pas des ressources nécessaires selon les critères définis par les Etats d'accueil. En effet, le Pacte promeut une immigration "choisie" par les Etats d'accueil, libres d'accepter les personnes migrantes "en fonction des priorités nationales, des besoins des marchés locaux et de l'offre des compétences" (Objectif 5). L'immigration est donc réservée à une petite part de la population qui répondrait à des critères définis par les pays riches sur lesquels ils n'ont aucune prise. L'ironie de la situation est que les Etats qui ont rejeté le Pacte ne sont pas les destinations  principales des personnes migrantes. La plupart migrent vers des pays voisins, des pays du Sud.

Les laissés pour compte

Le Pacte de Marrakech est déséquilibré à plusieurs niveaux. En plus de défavoriser les Etats à faibles ressources, souvent terres d'émigration, le Pacte délaisse les principaux concernés: les personnes migrantes. Le texte traite peu des droits des personnes. On observe par exemple la disparition de la mesure interdisant le renvoi des personnes migrantes vers des pays où elles seraient menacées de traitements inhumains. A la place, les Etats "s'abstiennent" de tels renvois (Objectif 21). De même, l'interdiction de l'enfermement des enfants et des demandeurs d'asile a disparu, alors que cette pratique augmente en Europe.

Le processus d'adoption du Pacte est également critiquable à bien des égards. Plusieurs Etats se sont gardés de communiquer sur la tenue de la Conférence de Marrakech et sur la signature du Pacte. Ce silence peut être en partie expliqué par la volonté de minimiser les réactions virulentes des acteurs anti-immigration. Les débats liés au Pacte ont d'ailleurs entraîné la chute de la coalition gouvernementale en Belgique, avec le départ des nationalistes flamands de la N-VA. Les réactions anti-immigration observées dans de nombreux pays au moment de la signature du Pacte illustrent le manque d'information de la population sur les effets réels des migrations.

Finalement, le Pacte pour des migrations sûres, ordonnées et régulières, a le mérite de mobiliser la communauté mondiale autour des enjeux migratoires. Toutefois, sa timidité constitue une occasion manquée pour la communauté internationale d'avoir un réel impact sur les migrations et de changer les mentalités à leur sujet.

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