Euromaidan à la hongroise?
Un désir de changement
Pour comprendre les causes de ces manifestations, il faut mettre l’accent sur son importance dans la situation politique actuelle de la Hongrie. La politique de Monsieur Viktor Orbán est insoutenable pour plusieurs raisons.
Des scandales à répétition
Les scandales autour de l’élite politique du gouvernement se multiplient. On peut penser ici à l’interdiction d’entrée sur le territoire de la directrice de l’Agence Nationale des Impôts et des Douanes par les États-Unis, ou la maison luxueuse achetée par le Ministre des Relations économiques extérieures et des Affaires étrangères, Péter Szijjártó. On s’en souvient, M. Orbán a également signé l’accord de Paks-II avec les Russes au début de l’année, ce qui a conforté sa politique russophile, qui s’est déjà illustrée à plusieurs reprises, notamment par ses prises de position contre les sanctions européennes à l’encontre de la Russie ou encore par l’intensification des relations diplomatiques avec Vladimir Poutine, prélude à la conclusion de l’accord de South Stream. Ces relations particulières avec la Russie de Poutine sont fortement critiquées par l’Union européenne ainsi que par la société Hongroise. En outre, les divers forums européens pointent constamment du doigt les dérives nationalistes et autoritaires du premier ministre Hongrois. Avec la taxe sur internet et l’attaque contre les organisations civiles étrangères, les Hongrois commencent également à perdre patience.
Pourquoi cette politique agressive et paradoxale du gouvernement? La question mérite d’autant plus d’être posée qu’elle est en décalage complet avec la teneur et le contenu du discours prononcé par Viktor Orbán lors de l’anniversaire de son parti le 30 mars 2007. Il soulignait alors l’importance des valeurs démocratiques, d’un rapprochement vers l’Ouest d’une Hongrie de type occidental, et il se faisait l’avocat d’une politique de fermeté face à la Russie. On mesure maintenant à quel point la volte-face a été radicale.
Une opposition faible
Le deuxième facteur important des manifestations réside dans la fragilité de l’opposition, trop fragmentée et ainsi incapable d’offrir une alternative à la politique du gouvernement. Depuis le discours d’Őszöd de 2006, les partis de gauche sont en panne de crédibilité. D’où la montée du parti d’extrême-droite, le Jobbik, qui bouscule la vie politique hongroise en lui faisant prendre un virage que l’on peut qualifier de droitier. Tout ces éléments se combinent et se renforcent mutuellement : le manque d’alternative crédible encourage l’abstention et le vote pour le Jobbik, ce qui empêche la gauche d’obtenir des sièges au parlement et ainsi de faire ses preuves et de jouer un vrai rôle d’opposition.
Les citoyens ont donc décidé d’agir et de descendre d’eux-mêmes dans la rue pour revendiquer leurs droits parce qu’ils ne se sentent représentés ni par le gouvernement, ni par l’opposition.
Changement des mentalités : une société qui se réveille
Les manifestations découlent aussi d’un changement de mentalité de la part de la société civile Hongroise, qui commence à s’inspirer des idées et des valeurs européennes, à l’instar de ce qui se passe dans la société civile ukrainienne. Ce constat peut être fait en relevant les différences majeures entre les manifestions actuelles et les manifestations de 2006, organisées par le FIDESZ. Celles-ci n’avaient pas pour raison première la défense de la démocratie, mais la lutte contre Ferenc Gyurcsány. Les questions démocratiques ne sont apparues comme moteur des manifestations que dans un second temps, en raison des abus de la police. A l’inverse, les manifestations actuelles sont principalement motivées par les infractions contre les piliers de la démocratie libérale. De plus, ces manifestations sont multi-générationnelles et transpartisanes, parce qu’elles sont organisées par les acteurs de la société civile, et non par l’opposition. Cette mobilisation montre bien le désir des Hongrois de voir leur système politique faire sienne les valeurs démocratiques, telle que la transparence et le refus de s’associer à la politique étrangère d’un Etat belligène. C’est d’ailleurs un élément assez nouveau dans la nature de la contestation politique hongroise, et s’inspire peut être des événements en Ukraine.
La politique nationaliste de Viktor Orbán semble donc se retourner contre lui. Il dit vouloir l’unité du peuple Hongrois, qui se trouve en fait uni contre lui, même au delà des frontières. Le gouvernement veut déconstruire la démocratie libérale, érigeant la Russie en exemple, alors que la société, enrichie des valeurs démocratiques européennes, veut une politique europhile, libérale et transparente.
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« Rendez-nous Internet, pas la démocratie »
La mobilisation de 10000 citoyens à Budapest n’a pas commune mesure avec les fresques révolutionnaires évoquées par la presse en Ukraine, aussi faut-il relativiser la représentativité de ce mouvement qui, contrairement à ce qui est affirmé ci-contre, ne représente pas la « société » dans son ensemble.
Parce que la différence de nature et d’échelle est notable
Le degré de violence que laisse supposer une révolution (révolutions arabes, Maïdan…) ne se retrouve pas dans le défilé des foules budapestoises, plus semblable au mouvement pacifiste Occupy Central qui a plié sa tente après un sit-in infructueux de plusieurs mois à Hong-Kong.
La nature de la manifestation est trompeuse. Se présentant comme le prolongement des rassemblements contre la taxe internet, les revendications de démocratie visent surtout à internationaliser les manifestations et trouver un écho, surtout lorsque le terme caresse les tympans de la presse occidentale. Le basculement d’une préoccupation d’ordre secondaire vers une préoccupation idéelle est instrumentalisé, à l’inverse de la mobilisation ukrainienne causée par l’appauvrissement du pays que l’éloignement de l’Union Européenne (UE) accentuerait. En contraste, la classe moyenne mobilisée contre le Fidesz bénéficie de la croissance économique du pays.
Parce que le mouvement ne peut réussir qu’en étant politisé
La principale différence avec Maidan, contrairement à ce que l’on lit ci-contre, est la récupération politique réussie du mouvement de Kiev. En termes de visibilité, de logistique et de production d’idées, cette nécessité prime sur un « esprit du peuple révolutionnaire » mis en échec à Hong-Kong dans un contexte comparable au discours des manifestants hongrois. En effet, le parti de Viktor Ianoukovytch ne disposait que de 30% des voix au moment de Maïdan, et l’opposition unie (Patrie, Udar et Svoboda, qui avaient conclu une alliance pour les élections présidentielles de 2015) en comptait 49%. Dans ce contexte, ces partis ont pu accompagner le mouvement, s’en faire les porte-parole et le mener à ses fins. A contrario, l’opposition est fragmentée et décrédibilisée en Hongrie, et le parti socialiste MSZP et la Coalition Démocratique DK ont même critiqué le mouvement. Si l’on considère qu’un Euromaïdan hongrois passerait par une mobilisation plus ferme et une traduction dans les urnes, on réalise qu’aucune des deux étapes ne pourra être accomplie.
Une alternative serait l’émergence d’un leader citoyen parmi les manifestants, mais Zsolt Varady, qui incarne précisément cette figure, s’est désolidarisé du mouvement « Most Mi : Új országot építünk! ».
Parce que l’issue est presque certaine
Contrairement à l’entêtement de l’exécutif ukrainien, et à sa violente répression, la gestion des manifestations par le pouvoir en Hongrie a été plus judicieusement menée. Celui-ci a lâché du test en abandonnant la taxe internet, et a bénéficié de l’abandon du projet South Stream qui cristallisait les tensions sur un possible retour de la Hongrie dans le giron russe. Dans ce contexte, il ne reste aux manifestants d’une coquille vide comme dénominateur commun : car si tous les cas de corruption menaient à une révolution, l’instabilité serait chronique en Europe. Par ailleurs, la classe moyenne mobilisée ne fait que rappeler à l’ordre son gouvernement, tandis que les fondations des manifestations de Maïdan étaient bien la révolution orange inachevée et, surtout, une opposition forte des citoyens de Kiev à Ianoukovytch – dont l’électorat se situait plus à l’Est du pays.
Parce que le mouvement ne s’internationalisera pas
Enfin, rappelons que l’internationalisation de la révolution de Maïdan a servi les manifestants, obtenant le soutien diplomatique de nombreux acteurs politiques européen. Ces initiatives se justifiaient par les enjeux économiques du partenariat, mais aussi par l’entretien de la force attractive et normative de l’Europe. Autant de justifications qui sont absentes du cas hongrois, le pays étant déjà membre de l’UE. Par ailleurs, l’exécutif garde la mainmise sur les canaux diplomatiques et autre vecteurs d’influence : la mobilisation du Parlement Européen semble compromise au regard de l’unité du groupe PPE autour de Viktor Orban. La Hongrie bénéficie en effet de sa position d’ « insider », qui lui a dernièrement permis au Conseil de l’UE de mettre en échec le projet de création d’un outil de contrôle et de sanctions des manquements au respect de l’Etat de droit dans l’UE, en soutien de l’article 7.
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