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L'inauguration du buste de Miklos Horthy : antisémitisme ou travail de mémoire ?

2014
L’inauguration de la statue a provoqué de vives réactions, notamment à cause de l’appui que lui porte le parti d’extrême-droite Jobbik.

Un reflet de la montée de l'antisémitisme en Hongrie

09/07/2014 - 21:00
L'inauguration de la statue de Miklos Horthy témoigne d’une montée des extrêmes s’accompagnant d’un retour inquiétant de l’antisémitisme au sein du pays.

Une statue à la portée symbolique

La statue est liée à de nombreuses références historiques et la mise en avant de Miklos Horthy n’est pas acceptable. Après plusieurs plaques commémoratives semblant le réhabiliter, c’est l’installation d’un buste à son effigie le 3 novembre 2013 qui a fait l’objet d’une polémique. Ce fait est d’autant plus scandaleux que la statue a été placée devant l’Eglise calviniste Hazatérés et surtout sur la place de la liberté (« Szabdság tér »). Cette localisation semble en totale contradiction avec les actions de Horthy. Ce dernier, régent de la Hongrie de 1920 à 1944, est surtout célèbre pour ses lois anti-juives et sa collaboration avec les nazis : il aurait ainsi ordonné la déportation de plus de 430 000 juifs. La question juive reste délicate, en témoignent les quelques centaines de manifestants qui, au moment de l’inauguration de la statue, ont organisé un flashmob autour de slogans tel que « les nazis dehors » et des pancartes représentant des artistes d’origine juive. Mais cela aura été insuffisant. En effet, d’autres favorables à cet événement ont arboré malgré l’interdiction des uniformes militaires de la Magyar Garda, branche paramilitaire créée par le parti d’extrême-droite Jobbik. Il est choquant de constater que de nombreux habitants ne considèrent pas cela comme révoltant, faisant valoir les libertés de penser et d’expression. Cette statue sur les marches de l’Eglise relèverait donc de la propriété privée. Pourtant, ce serait comme accepter des statues d’Hitler en Allemagne ou de Pétain en France. On ne commémore pas publiquement ces hommes, et c’est pourquoi le buste de Horthy pose autant de problèmes. Parmi les défenseurs de la statue on trouve le pasteur Lóránt Hegedűs, connu pour ses discours antisémites, et le vice-président du Jobbik Márton Gyöngyösi : pour lui Horthy est « le plus grand dirigeant hongrois du XXe siècle ». 

Un contexte qui ne laisse pas indifférent

Il faut savoir qu’en Hongrie, le glacis opéré par les communistes a figé l’histoire. Les Hongrois connaissent mal la vérité sur les événements pré-communistes, et c’est pourquoi le dégel a provoqué la réaffirmation de vieilles pulsions. Le Jobbik, qui a remporté 16,9% des voix aux législatives d’avril 2010, s’appuie sur ce ressentiment en prônant l’identité nationale et l’antisémitisme. Il semble refléter le retour à l’antisémitisme d’une partie de la nation. Le buste en l’honneur de Horthy n’est pas la seule commémoration qu’il a soutenue. Il a aussi proposé d’établir une « liste de juifs » occupant les postes publics et qui pourraient représenter un « risque » pour la sécurité nationale, c’est-à-dire ceux qui défendent Israël face à la Palestine.
La majorité des Hongrois sont convaincus que leurs aïeux n’ont pas participé à la déportation des juifs, alors qu’une collaboration a forcément été nécessaire pour organiser l’évacuation d’autant de personnes en si peu de temps du pays. Il est donc crucial d’encourager le travail de mémoire. Un amalgame est souvent fait entre la figure du communiste et celle du juif. La crise économique qui a touché la Hongrie n’a fait que renforcer les ressentiments, les juifs étant parfois pris comme boucs émissaires. Il est vrai que l’Histoire ne peut être oubliée, mais il est du devoir des politiques d’aider à comprendre le passé et le redécouvrir.
Et ce devoir prend un caractère urgent. En effet, le grand rabbin a été insulté, des matchs de football contre Israël ont donné lieu à des chants antisémites et des livres d’auteurs juifs ont été brûlés publiquement dans la ville de Miskolc. D’autres minorités, notamment les Roms, sont aussi souvent visées par le Jobbik. Un rapport de l’Agence des Droits fondamentaux européens souligne la montée de l’antisémitisme en Europe sur les cinq dernières années. En Hongrie, le rapport met en avant des chiffres inquiétants : 76% des personnes sondées croient à cet essor de l’antisémitisme, et 57% ont entendu quelqu’un soutenir que l’Holocauste n’a jamais existé. La situation est d’autant plus alarmante en Hongrie qu’elle possède l’une des communautés juives les plus importantes en Europe (environ 120 000 membres).

Le positionnement ambigu du gouvernement

La situation est compliquée car le Fidesz, parti au pouvoir, semble fermer les yeux sur cette évidente montée de l’antisémitisme. Antal Rogan, maire de Budapest et député de droite, considère la statue comme une « provocation ». Pour lui cet événement a pour but de dégrader l’image du pays à l’international, et il est vrai que ces actions en Hongrie sont mal perçues par les médias étrangers. Ainsi l’ambassade des Etats-Unis considère que « ceux qui ont pris part à l’événement […] promeuvent non seulement leur propre intolérance mais aussi une image dramatiquement négative de la Hongrie ». Un pas a été fait par Tibor Navracsics qui a reconnu publiquement l’implication des Hongrois dans la déportation. Malgré une législation interdisant la contestation de la Shoah, le buste de Horthy n’a pas été retiré. Le prix Nobel de la paix et survivante de la guerre, Elie Weisel, a aussi rendu symboliquement au gouvernement une décoration qu’elle avait reçue, en signe de contestation. Selon le directeur de la Chambre des ministres, János Lazar, le passé sous Horthy doit être interprété par les historiens et non les hommes politiques. Mais, comme le soutient l’historienne Krisztian Ungvary, le gouvernement a recours à un double discours : alors qu’il condamne les actes soutenus par le Jobbik ainsi que toute alliance avec lui, il souhaite gagner les voix des électeurs de ce parti et ne peut donc pas se permettre de constamment condamner Horthy. L’ambiguïté va jusqu’au Premier ministre, Victor Orbán, qui au travers d’un discours très nationaliste favorise le développement d’une rhétorique antisémite. En accusant sans cesse les banques et entreprises étrangères, le Fidesz incite le Jobbik à utiliser cette idée contre les juifs. Il peut également être tenté d’utiliser cet événement très polémique pour détourner l’attention des médias de sa politique économique. Les élections de 2014 posent un enjeu supplémentaire, le Jobbik étant désormais la troisième force politique du pays ce qui posera de nombreux problèmes si une majorité ne se dégage pas.

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