Merkel, cette fois c'est la fin ?
Cette impasse politique remet en question la position de Mme Merkel en tant que chancelière : devrait-elle ou non se retirer de la vie politique ?
Voici les points de vue de deux étudiants à SciencesPo Paris, Thomas Griffaton et Francesco Stuffer.
Angela Merkel est un monument politique. Elle doit rester !
le poste de chancelière. Elle doit le faire pour son pays, pour son parti, pour l’Europe.
Angela Merkel est d’abord une évidence sur le plan du respect des règles et de la démocratie. Son parti, l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) alliée à l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) a largement remporté les élections législatives du 24 septembre 2017, avec un score certes inférieur aux élections précédentes mais devançant de plus de 12 points le SPD de son rival Martin Schultz. Au pouvoir depuis 12 ans, à la tête du parti depuis 15, elle incarne personnellement cette victoire et on peut considérer que sa côte de popularité est toujours extrêmement haute dans le pays. A titre de comparaison, elle obtient le même score que le parti de son homologue Emmanuel Macron (LREM). La nécessité de former une coalition est d’avantage due au système allemand d’élections à la proportionnelle intégrale qu’à une présumée faiblesse de Mme Merkel et de son parti.
« Mutti », comme elle est surnommée, représente un facteur de stabilité et de fiabilité dans un paysage
politique marqué par l’échec du SPD et par la montée des extrêmes, particulièrement à droite avec l’entrée au Parlement de l’AfD (Alternative für Deutschland) populiste.
Une vision moderne et progressiste pour le parti conservateur
Gage de stabilité, elle l’est aussi au sein du parti conservateur. En effet, sous son action la CDU (Parti Chrétien Démocrate) a optée pour une ligne politique modérée, plus progressiste. En 2017, elle se montre plus ouverte que nombre de ses collègues sur la question du mariage pour tous, et permet un vote du Parlement qui consacrera l’ouverture de ce nouveau droit aux couples homosexuels (elle votera contre le texte, mais essentiellement pour des raisons de stratégie politique). Sur la question des réfugiés, elle surprend l’Europe en ouvrant les bras en août 2015 à des milliers de réfugiés sous la bannière de « Wir schaffen das ! » (« Nous y arriverons »). Cette politique insuffle un vent d’espoir en Europe, avant d’être mise à mal par la difficulté à répartir les réfugiés dans les différents pays.
Sur le plan écologique, longtemps accusée par certains d’avoir favorisé l’essor des centrales à charbon, elle a changée de ligne politique ces dernières années et s’est pleinement engagée en faveur des accords de Paris de novembre 2015 puis pour leur défense après le retrait américain décidé par D.Trump. Sur ces trois sujets, Mme Merkel donne du poids à l’aile gauche de son parti. Sans elle, il se pourrait que la politique prônée par les Conservateurs soit sensiblement différente, et s’éloigne des aspirations du peuple qui se montre souvent plus progressiste que sa classe politique (IFOP 09/2015 : 79% des Allemands pensent que « c’est le devoir de [leur] pays d’accueillir des migrants qui fuient la guerre et la misère »). D’autant plus qu’aucune figure crédible ne semble émerger au sein du parti. La chancelière est connue pour son sens du dialogue et des négociations. Loin d’être une « idéologue », elle s’illustre même par sa volonté de trouver des compromis lorsqu’il s’agit de l’intérêt du pays. Essentielle dans le système allemand marqué par des décennies de coalition, cette qualité fait d’elle un élément central de la coopération européenne.
Un leader en Europe
Il faut considérer Mme Merkel pour ce qu’elle représente. Elle porte en elle une expérience inégalée au sein des grandes puissances. En tant que Chancelière, elle a connu quatre Présidents Français et trois locataires de la Maison Blanche. Angela Merkel a connu la division de l’Europe, elle a vu la chute du Mur de Berlin et sait ce que l’unité représente. Contrairement à de trop nombreux dirigeants politiques, elle ne considère pas l’acte communautaire comme quelque chose d’acquis et sait qu’il est nécessaire de se battre pour le préserver. Au moment où l’Europe semble enfin prospérer, il serait dangereux de souhaiter le départ de celle qui représente sa stabilité. Elle s’engage pleinement dans son approfondissement, comme l’a montré son action déterminante pour arriver à la signature du Socle européen des droits sociaux le 17 novembre dernier, qui font de l’Europe le théâtre du premier accord visant à uniformiser les droits sociaux à l’échelle d’un continent.
Comme dans son parti et dans son pays, la chancelière allemande représente un gage de stabilité sur le plan communautaire, qui sera déterminant à l’aube des prochaines échéances qui s’annoncent cruciales pour l’avenir de l’Union Européenne (création d’un « groupe de la refondation européenne » autour du couple franco allemand, débat sur une défense européenne, etc). Associée à la jeune garde de la classe politique européenne (Emmanuel Macron en France, M. Rutte aux Pays-Bas ou encore C. Kern en Autriche), Mme Merkel joue un rôle de relai essentiel dans l’amélioration qu’a connu le climat européen ces dernier mois. Angela Merkel se présente aujourd’hui avec un bilan économique positif, une stature internationale incontestable et une vision novatrice pour son parti, son pays et pour l’Europe. Elle doit rester à la tête de l’Allemagne, c’est une question de stabilité pour le pays et le gage d’un avenir meilleur pour le continent.
Dieser Artikel präsentiert bewusst nur eine der zahlreichen, divergierenden Meinungen zu diesem kontroversen Thema. Sein Inhalt entspricht nicht zwingendermaßen der persönlichen Meinung seines Verfassers. Bitte sehen Sie hierzu Die Philosophie von Duel Amical.
Merkeldämmerung – Le crépuscule de Mme Merkel ?
Ce mécanisme d’or, pourtant, semble d’être en train de se casser : au moment actuel, l’Allemagne n’a pas de gouvernement. En effet, l’hypothèse d’une coalition entre la CDU/CSU (Christlich-Soziale Union, les alliés bavarois de la CDU), les verts et les libéraux (Freie Demokratishe Partei - FDP) a été refusée par ces derniers. Mme Merkel, naturellement, s’était proposée comme Chancelière de cet énième gouvernement de coalition. Mais cette fois ci, sa tentative n’a pas marché.
La Musique est en train de changer en Allemagne…
En premier lieu, la CDU a enregistré un résultat électoral plutôt modeste, par rapports aux scores auxquels elle était habituée. Certes, avec l’aide de ses alliés bavarois de la CSU, ils ont remporté un peu plus de 30% des voix, et ils restent le parti majoritaire en Allemagne. Mais ils ont également vécu une hémorragie des voix. Les votes ont plutôt profité aux autres formations, notamment pour l’AFD (Alternative für Deutschland, inquiétant groupe d’extrême droite) et le FDP . Le protagoniste principal de la campagne électorale de la CDU était naturellement Mme Merkel et de nombreuses personnes en Allemagne imputent l’échec du consensus de la CDU à Mme Merkel.
Ensuite, il semble que le principal responsable de la faillite du projet de coalition, le leader du FDP Mr Christian Lindner, ait quitté les discussions de peur de voir Mme Merkel à la tête du futur gouvernement. Mr Lindner a d’ailleurs abandonné les tractations en ces termes « mieux vaut ne pas gouverner plutôt que mal gouverner », des mots qui s’adressent probablement à Mme Merkel et qui l’invitent à abandonner sa politique de gouvernement, en sous-entendant que la stratégie de Mme Merkel visait d’abord à sa réélection en tant que chancelière, et que s’allier avec des partis pour former une nouvelle coalition ne garantit pas toujours une bonne synergie au sein du gouvernement.
Une solution possible qui a été évoquée récemment pour sortir de l’impasse politique actuelle serait une réédition de la Große Koalition, c’est-à-dire un gouvernement CDU-SPD. Le Président de la République, M Frank-Walter Steinmeier, membre de l’SPD, semble être favorable à cette idée. Il utilise ainsi sa position de prestige afin de faire pression sur ses camarades de parti. Néanmoins, le leader du SPD, Mr Martin Schultz, s’est déclaré hostile à cette option car son parti a enregistré le pire résultat de son histoire aux récentes élections en raison de l’alliance - pendant la précédente législature- avec la CDU et Mme Merkel. Cette dernière a toujours réussi à mettre en minorité le SPD au gouvernement et donc à ne pas faire passer toutes les idées de réforme proposées par les socialistes. Mr Schultz avait très clairement affirmé que « les électeurs ont renvoyé à la maison la Große Koalition ». Il semble cependant que la majorité du SPD ne serait a priori pas contraire à l’idée une alliance avec la CDU, et une partie d’eux serait prête à travailler à nouveau avec les démocrates-chrétiens, mais à condition qu’il y ait un changement de leader. Cette solution semble la plus adaptée aujourd’hui, mais Mme Merkel serait-elle prête à donner son autorisation à un gouvernement qui ne la voit pas occuper le poste de Chancelière ?
Finalement, il faut aussi considérer le fait que Mme Merkel n’est plus capable de diriger la CDU comme elle le souhaite. Des voix critiques commencent aussi à se faire entendre dans son propre camp, et il semble que beaucoup de gens de son parti ne seraient pas déçus de ne plus la voir tenir le gouvernail : Mme Merkel affronte en effet des critiques tant de la part des dirigeants les plus âgés que des militants les plus jeunes. De plus, elle devrait prêter attention à ce qui se passe dans le camp de ses alliés de la CSU bavaroise, dans laquelle la section de jeunesse est en train de mener une bataille pour changer les anciens dirigeants du parti, notamment son allié historique M Horst Seehofer, chef de la CSU et Ministre-président de Bavière.
…Il se pourrait donc que le « guide du pays » change
Cette période est sûrement l’une des plus difficiles que Mme Merkel ait connue, surtout du point de vue politique. Même si elle a remporté la majorité des voix aux élections, elle reçoit des signaux négatifs de toute part : par ceux qui devait la soutenir en futur (le FDP de M. Lindner), par ceux qui l’avaient soutenue et qui se sentent trahis par elle (le SPD de M. Schultz) et par l’intérieur de son propre parti.
Au vu de la situation politiquement très compliquée, et considérant que sa personne est désormais devenue encombrante, ne serait-il pas mieux, pour l’Allemagne elle-même et pour l’Europe aussi, que Mme Merkel soit prête à faire un pas en arrière, et qu’elle soit prête à abdiquer de son rôle de protagoniste indiscutable de la politique allemande ?
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